Entrepreneur à Siran dans la partie Ouest du Cantal, Jean-Noël Boissières se trouve à la tête d’une flotte de dix tracteurs, trois ensileuses et quatre moissonneuses-batteuses. Située à une altitude comprise entre 500 et 1 000 mètres, la zone est herbagère mais les cultures de céréales et de maïs y regagnent du terrain. Compte tenu du relief et de temps de déplacement importants, il est essentiel pour l’entreprise de maîtriser sa consommation de GNR. Le contexte d’inflation des intrants renforce encore cet impératif.
Un véhicule bien dimensionné pour chaque tâche et bien entretenu : voilà, déjà, une bonne base. « La télémétrie permet d’aller plus loin dans les bonnes pratiques », révèle aussi Jean-Noël, que nous avons interrogé pour cet article.
1. Bannir les kilos superflus
Les masses pour des travaux réclamant peu d’adhérence ou pour du transport font augmenter la consommation de carburant. Déplacer une masse de 600 kg avec un tracteur de 150 chevaux, c’est s’infliger une surconsommation estimée à 1,5 l/h.
Tous nos tracteurs étant pourvus d’un relevage avant, retirer ces kilos superflus n’est pas compliqué. Je ne suis pas partisan des masses de roues avec les tracteurs de forte puissance. Pour le semoir 6 mètres traîné, que nous tractons avec notre 7R 310, j’ai préféré une masse arrière amovible. Quand ce tracteur est attelé au combiné de fauche avant/arrière, je vise évidemment la plus grande légèreté.
Jean-Noël Boissières
2. L’huile-moteur : pas à négliger
Au fil du temps, l’huile moteur se dégrade, ce qui entraine des frictions plus importantes et provoque, d’un côté, une usure plus importante, ainsi qu’une augmentation de la consommation de carburant. Comme le magazine Entraid l’a rappelé récemment, sur les moteurs équipés d’un filtre à particule, une huile spécifique est utilisée. Elle est dite Low Saps, c’est-à-dire pauvre en cendres sulfatées, phosphore et soufre. Ne pas utiliser la bonne huile entraine des cycles de régénération plus rapprochés et une hausse de la consommation de carburant. Cela peut aussi endommager gravement votre filtre à particules.
Sur ce point, depuis une douzaine d’années, je fais 100% confiance à mon concessionnaire, Défi-Mat, qui est mon partenaire et à qui j’achète toutes mes pièces. Je rencontre le responsable technique, Benoit Meyniel, au moins une fois par an et nous passons en revue les matériels pour planifier la maintenance.
Jean-Noël Boissières
3. Lui donner de l’air propre
Un filtre à air encrassé, c’est la consommation qui augmente. Sachez que sur une heure d’ensilage, le filtre va voir passer plusieurs centaines de milliers de litres d’air ! Nettoyer un filtre à air avec de l’air comprimé est délicat : il faut privilégier le volume d’air à la pression, sous peine d’endommager le filtre-papier. Plus le filtre va vieillir, plus il va devenir étanche. Un renouvellement régulier permet d’augmenter le rendement moteur et de diminuer la consommation.
Tous les 18 mois, soit au bout de 2000 heures, nous changeons les filtres à air. Comme je l’ai dit précédemment, c’est un suivi en accord avec mon concessionnaire. Et chacun s’y retrouve puisque cette proximité exclut toute mauvaise surprise quand nous discutons du montant d’une reprise.
Jean-Noël Boissières
CONSOMMATION SUR ROUTE SELON LA PRESSION : + / – 18 %
Configuration routière du convoi: tracteur MF 7718S, pneus 540/65R28 à l’avant (pression 1 bar) et 650/65R38 à l’arrière (pression 2 bars), tractant une remorque deux essieux de 21,5 t (poids avec grains)
Configuration mixte du tracteur: pression mixte champs/route (1 bar à l’avant et 1,6 bar à l’arriere).
vitesse en km/h
consommation litre / 100 km
18 % d’écart de consommation en faveur de la pression « route » (2 bar aux pneus arrière) par rapport à une pression « mixte » (1,6 bar à l’arrière), c’est ce qu’il ressort d’un essai récent effectué dans le Sud-Ouest avec l’appui du réseau CUMA d’Occitanie.
Source: Entraid’
4. Les pneumatiques, un sujet capital
Un sujet capital et un casse-tête ! Difficile de s’écarter d’un compromis route/champ : sous-gonflé sur route, on augmenterait la résistance au roulement, on détériorerait les enveloppes et on consommerait davantage. Trop gonflé aux champs, on ne profiterait pas de la déformation des flancs et on patinerait, d’où une surconsommation encore. A-t-on d’autre option que de suivre les recommandations du manufacturier et de s’équiper d’un bon manomètre ?
Mon activité m’amène à faire beaucoup de route et je dois adapter la pression à cette contrainte. Pour ce qui est de la traction au champ, avec un tracteur de 300 chevaux, un lestage conséquent est indispensable et le poids de l’ensemble est conséquent. Mais je pense qu’on a atteint un palier et que le télégonflage va s’imposer sur les tracteurs de 200 chevaux et au-delà.
J’ajoute que le GNR n’est pas le seul à flamber, le prix des pneus aussi. Les faire durer devient capital et ce calcul entre dans une approche de coût de détention global d’un automoteur. Je dirais même qu’une réflexion sur la puissance de traction réellement nécessaire va s’instaurer.
Jean-Noël Boissières
5. Et si on coupait le contact ?
Plusieurs études des fédérations de CUMA démontrent que les tracteurs passent 30% de leur temps au ralenti, que ce soit pour les phases d’attelage/dételage, de réglages, d’attente… Cela représente plus de 200 heures pour un tracteur effectuant 700 heures/an. Et pour un tracteur de 150 chevaux, la consommation moyenne au ralenti tourne autour de 3,5 litres/heure !
Je sensibilise régulièrement nos chauffeurs à ce phénomène. 7 de nos tracteurs et deux de nos ensileuses sont équipées de la télémétrie JDLink, qui nous donne un rapport impitoyable sur l’activité d’un moteur. J’ai ainsi compris qu’un de nos chauffeurs utilisait au transport le mode manuel plutôt que l’automatisme de choix des rapports de transmission.
Est-ce que la télémétrie empoisonne le débat ? Je ne crois pas ; nous travaillons en équipe et dans la transparence, surtout face aux enjeux actuels de renchérissement accéléré de nos frais de fonctionnement.
Jean-Noël Boissières
« Le JDLink me donne des informations ultra- précises sur le coût de mes prestations »
- La télémétrie sur les deux ensileuses de l’ETA Boissières qui en sont équipées a révélé que leur consommation se situe à 44 litres/ha en maïs, déplacement compris. « J’ai aussi pu détailler mes coûts concernant l’enrubannage, poursuit l’entrepreneur auvergnat. « Par exemple, je savais déjà que le plastique représente 3,30 euros par botte et le filet environ 50 centimes. Cette année, nous étions déjà sur une hausse d’environ 1 euro sur le plastique, et de 20 centimes sur le filet. Mais la télémétrie m’a permis de voir que je consommais 1 litre de GNR par botte produite, déplacement compris. Cette information-là, je ne l’avais pas avec autant de précision avant. C’est devenu indispensable pour piloter la gestion de l’entreprise. J’en remercie au passage mon concessionnaire qui m’assiste dans l’exploitation des rapports de télémétrie. »
6. La grande largeur est un atout
Julien Hérault, de Conseils Agroéquipements, est le seul conseiller machinisme indépendant en France. Il constate que faute d’outils suffisamment larges, on bute sur des consommations à l’hectare trop importantes en raison d’une sous-exploitation du taux de charge moteur. De même, M. Hérault préconise souvent de passer d’un outil porté à un outil semi-porté en s’appuyant sur le cas suivant : avec un déchaumeur à disques de 3 m de type porté, on trouve généralement un tracteur de 120 à 140 chevaux pour être en mesure de lever l’outil en bout de champ. Mais finalement au travail dans la parcelle, un tracteur de 80 à 100 chevaux serait totalement capable de faire le même travail, pour peu que le déchaumeur possède un essieu. Certes le surcoût de cet essieu entre en ligne de compte, mais avec trente chevaux de moins à l’achat du tracteur, la marge de manœuvre financière existe.
Personnellement il m’a fallu deux ans de réflexion avant de me séparer d’un de nos deux combinés de semis de 3 mètres pour investir dans un semoir traîné rapide de 6 mètres à disques. Cet outil valorise notre tracteur de tête, un John Deere 7R 310. Il est rapide et polyvalent, si bien qu’il contente une large part de la clientèle. Nous remettons en culture (céréales, maïs) des prairies dans le but de perturber les colonies de rats taupiers.
Et les rendements suivent, sans irrigation ! Les éléments semeurs permettent de regarnir les prairies en semis direct, sans travail du sol, ce qui est très positif pour les éleveurs en quête d’autonomie alimentaire. En sécurisant le revenu de mes clients, je me mets aussi à l’abri des risques d’impayés, qui sont loin d’être nuls par les temps qui courent !
Jean-Noël Boissières
L’ETA BOISSIERES, en bref
- 10 personnes à temps plein
- 10 tracteurs dont 9 John Deere, de 100 à 310 chevaux
- 3 ensileuses automotrices dont 2 John Deere 8400 i
- 4 moissonneuses-batteuses dont 2 John Deere (gammes W et CTS)
- 2 presses-enrubanneuses John Deere C 441 R
- 1 round baler John Deere 864 premium
- 1 presse à balles cubiques L 1534
- 1 combiné de fauche 9 mètres
- 4 pelles mécaniques
- 1 semoir polyvalent traîné de 6 mètres
- 1 semoir de précision John Deere Max Emerge 8 rangs repliable
- 1 combiné de semis 3 mètres et du matériel de travail du sol classique (charrues, déchaumeur à disques indépendants) …