Il y a 40 ans d’écart entre Alain Regnault, le cédant et Brian Bocquet, le repreneur. « Nous sommes rentrés en contact sur facebook il y a deux ans », raconte Alain Regnault qui s’est fixé l’objectif de prendre sa retraite à 62 ans cette année. « Deux années, c’est le minimum pour organiser une transmission » estime l’éleveur laitier. « Celui qui s’y prend à la dernière minute aura bien du mal à trouver un repreneur. Il se retrouve le plus souvent obligé de vendre à une autre exploitation voulant s’agrandir, car il n’aura pas eu le temps de trouver la bonne personne. »
Dans la région normande, la transmission des fermes pose un réel défi. D’ici 2026, près de 10 000 agriculteurs vont atteindre l’âge de la retraite et seront susceptibles de transmettre leur exploitation. Ainsi, un cinquième des terres agricoles en Normandie pourrait changer de main. Afin de s’y préparer au mieux, l’anticipation est la meilleure solution pour installer de nouveaux producteurs et assurer l’avenir du tissu agricole.
Deux années, c’est le minimum pour organiser une transmission.
Alain Regnault
50 vaches laitières
Le cas d’Alain Regnault démontre que s’atteler très tôt à la recherche d’un repreneur permet de simplifier le parcours. Son exploitation de 50 laitières de race normande est passée en bio en 2002. À l’origine, Alain Regnault a repris en 1989 cet élevage familial à la Mouillerie, près de Saint Lo dans la Manche. Il l’a orienté vers une production durable, basée uniquement sur l’herbe et un chargement réduit d’un UGB/ha. Les vaches ne mangent que du foin l’hiver et de l’herbe l’été. Même en année sèche telle que 2022, le cheptel ne manque pas de fourrage car la surface des prairies est largement dimensionnée.

Alain Regnault (à droite) et Brian Bocquet (au centre) sont entrés en contact via une page facebook dédiée aux transmissions.
Une partie de la production laitière est commercialisée dans une coopérative bio, et le reste est transformé sur l’exploitation. L’associé d’Alain Regnault a en effet mis en place un atelier de de fabrication de tome, un fromage qui valorise environ 40 000 litres de lait. Les veaux sont élevés pendant trois semaines sur la ferme et vendus pour apporter un revenu additionnel.
Contact par les réseaux sociaux
L’affaire tourne bien, mais Alain Regnault n’a pas prévu de repousser l’âge de sa retraite et son associé, un peu plus jeune, envisage de changer d’activité. En 2020, l’éleveur a donc commencé à chercher un repreneur sur les réseaux locaux, liés à la Chambre d’agriculture avec le RDI (Répertoire Départ Installation).
Si c’est un bon outil, qui met en valeur l’exploitation à vendre, il ne suffit pas toujours. Alain Regnault s’est aussi branché sur une page facebook « Transmissions d’exploitation agricoles », où il a proposé sa ferme. C’est là qu’il est tombé sur l’annonce de Brian Bocquet, qui cherchait de son côté à s’installer avec sa compagne Manon. Ils ont rapidement pris contact. L’éleveur avait à cœur de trouver de jeunes exploitants motivés.
J’ai toujours voulu travailler en élevage, auprès des vaches
Brian Bocquet
Et jeunes, ils le sont ! A 22 ans, Brian et Manon vont reprendre la ferme et ses 70 hectares d’herbage au mois de novembre 2022. « Je suis aussi normand, puisque je viens de Seine-maritime. J’ai toujours voulu travailler en élevage, auprès des vaches », ajoute Brian Bocquet.
À la suite du contact pris sur facebook, il a pu faire son stage d’apprentissage sur la ferme d’Alain Regnault, ce qui lui a permis de connaitre à fond le rythme et les enjeux de cette exploitation. Manon de son côté l’accompagne dans ce projet, avec dans l’idée de lancer plus tard un projet équin sur la ferme. Tous deux sont titulaires d’un BTS production animale.
Capital bien dimensionné
« Nous avons été tout de suite intéressés par cette offre, car le capital de l’exploitation tourne autour de 200 000 euros. La plupart des autres offres se situaient plutôt à 400 000 ou 500 000 euros ce qui est trop élevé pour nous qui n’avons pas d’apport. Nous empruntons chacun environ 100 000 euros pour nous installer, et tout se passe bien avec la banque. » Si le capital de la ferme de la Mouillerie reste raisonnable, c’est que Alain Regnault a bien anticipé son projet.
Je n’ai pas voulu surévaluer mon exploitation afin qu’elle puisse durer dans le temps.
Alain Regnault
« Je n’ai pas voulu surévaluer mon exploitation afin qu’elle puisse durer dans le temps. Depuis longtemps, je me débrouille pour que le capital soit limité. J’ai peu de matériel propre, à part un vieux tracteur, le matériel ne doit pas représenter beaucoup plus de 9 000 euros. Tout les travaux sont faits en Cuma, qui rassemble une quarantaine d’exploitants autour de la commune du Dezert où se trouve l’exploitation. J’ai toujours tenu à travailler en Cuma, les récoltes de fourrage sont exécutées avec son matériel, ce qui réduit considérablement l’investissement », dit-il.
L’élevage d’Alain possède sa salle de traite, qui a près de vingt ans. « Du matériel pas trop sophistiqué, ce qui diminue le risque de panne », glisse Brian Bocquet. Une partie des prairies qui entourent la ferme est en cours de reprise avec la Safer et Terres de lien. Là aussi, le dossier est bien avancé et presque finalisé, mais c’est sans doute l’étape qui demande le plus de temps sur le plan administratif. C’est pourquoi les deux années de démarche ne sont pas de trop pour boucler le dossier.
Ils ont leur propre projet en tête, et c’est bien comme ça car ils ont la volonté d’avancer.
Alain Regnault
Installation facilitée
Dans leur projet, Brian Bocquet et Manon Vasseur auront aussi la chance de pouvoir habiter sur place, dans un bâtiment en cours de rénovation. Dans un premier temps, cette maison leur sera louée. « Je tenais à ce que les repreneurs puissent loger sur la ferme, c’est plus facile pour le travail. Plus tard, ils pourront acheter la maison et les anciens corps de ferme s’ils le souhaitent », explique Alain Regnault, qui habite pour sa part à 500 mètres de là dans une autre habitation plus récente.
« Je ne serai pas loin, mais je vais prendre mes distances dès que les nouveaux exploitants seront en place. Nous avons échangé beaucoup nos idées depuis notre rencontre, ils ont leurs propre propre projet en tête et c’est bien comme ça car ils ont la volonté d’avancer », conclut-il. « Mon exploitation étant peu intensive, ils n’auront pas de mal à intensifier davantage s’ils le veulent. »
Chiffres-clés
- Surface : 70 hectares
- 50 vaches laitières normandes
- 170 000 litres de lait
- 40 000 litres transformés à la ferme