Le Renou­veau Du Sain­foin, Source De Protéines Bas Intrants

Plante écolo­gique et source de protéines-santé, le sain­foin porte une diver­si­fi­ca­tion inté­res­sante, couvrant déjà près de 900 hectares au Nord-Est de la France.

Cultivé depuis la nuit des temps, le sain­foin fait son retour sur la scène des cultures riches en protéines. Cette légu­mi­neuse pousse en continu, toujours verte avec son feuillage et ses vrilles, sans néces­siter d’engrais azoté. Elle fleurit rose et donne un four­rage déshy­draté d’une grande qualité. C’est aussi une plante capable de pousser sans rechi­gner sur les sols très calcaires. S’il a été oublié dans la deuxième moitié du XXe siècle, le sain­foin refait surface dans le sud de la Cham­pagne et en Bour­gogne, où 90 agri­cul­teurs le cultivent. À l’origine du projet : Pascale Gombault, agri­cul­trice dans l’Aube qui a relancé la culture en 2008. En 2011, elle crée avec le fabri­cant d’aliments MG2Mix l’entreprise Multi­folia qui exploite les débou­chés de cette plante, et en 2015 la coopé­ra­tive Sain­folia qui en assure la culture.

Aujourd’hui, le prin­cipal débouché du sain­foin reste le bouchon déshy­draté, utilisé par plus de 900 éleveurs en France. « Les bouchons de sain­foin peuvent servir d’aliments aux bovins, aux brebis, aux chèvres, aux lapins, aux chevaux, notre exper­tise permet­tant de flécher les récoltes en fonc­tion de leur qualité », explique Pascale Gombault.

Pascale Gombault

« Nous avons initié une filière de trans­for­ma­tion, en s’appuyant sur les travaux d’Hervé Hoste de l’Inrae pour la base scien­ti­fique et sur les déshy­dra­teurs pour le débouché. » Car c’est sous forme de bouchons que la plante peut mieux se valo­riser dans l’alimentation des animaux. L’aliment déshy­draté est riche en protéines, 12 à 18 % selon la période de coupe. Il contient aussi des tannins et des poly­phé­nols en quan­tité, qui protègent les protéines de la dégra­da­tion dans le rumen des animaux.

« Les tannins sont aussi connus pour leur effet anti­pa­ra­si­taire, ce qui les rend inté­res­sants pour améliorer l’efficience alimen­taire des rumi­nants », détaille le cher­cheur de l’Inrae Vincent Nider­korn. La teneur impor­tante en tannins condensés du sain­foin évite aux animaux, en parti­cu­lier, la météo­ri­sa­tion. Avec un autre effet positif, puisqu’une alimen­ta­tion à base de sain­foin diminue les rejets d’azote et de méthane par les trou­peaux. « Nous pour­sui­vons aussi des essais sur les rumi­nants pour décou­vrir de nouveaux inté­rêts du sain­foin sur la nutri­tion, en parti­cu­lier sur le trans­fert en acides oméga 3 et sur la santé des animaux », annonce Mickaël Routier de la firme MG2Mix.

Vertus Agro­no­miques

La plante elle-même – Onobry­chis vicii­folia – coche toutes les bonnes cases : le sain­foin fixe l’azote de l’air, résiste au froid et pousse jusqu’à mille mètres d’altitude. Ses racines ont des effets anti­né­ma­todes.

Culture pérenne, le sain­foin recouvre le sol en hiver et le protège de l’érosion, tout en servant de refuge à la faune sauvage. « Le sain­foin est très peu gour­mand en intrants, nous n’apportons jamais d’azote sur cette culture », commente Chris­telle Caillot, agri­cul­trice dans l’Aube et vice-prési­dente de Sain­folia.

Les bouchons de sain­foin peuvent servir d’aliments aux bovins, aux brebis, aux chèvres, aux lapins et aux chevaux.

Pascale Gombault

« Nous avons décou­vert avec la mise en place d’essais qu’il n’a pas besoin de potasse et de très peu de phos­phore. Depuis que je cultive du sain­foin, il n’a jamais été néces­saire de faire un insec­ti­cide ou un fongi­cide. En travaillant l’itinéraire de culture, nous sommes arrivés à obtenir des rende­ments moyens de 10 t/ha. » La récolte fournit deux ou trois coupes annuelles, avec les variétés remon­tantes.

Les fleurs très melli­fères attirent les abeilles, ce qui a permis à Sain­folia d’exploiter un autre débouché du sain­foin : la produc­tion de miel label­lisé bio, réalisée par une coopé­ra­tive apicole rassem­blant 400 ruches. « Avec les scien­ti­fiques, nous travaillons aussi à comprendre l’immense varia­bi­lité du sain­foin pour encore mieux exploiter tous ses débou­chés », annonce Pascale Gombault. « Car nous avons décou­vert qu’il existe des sain­foins qui soignent, des sain­foins qui nour­rissent et aussi des variétés qui font les deux. La bioraf­fi­nerie mise en place par Multi­folia sera l’an prochain opéra­tion­nelle pour valo­riser les extraits de sain­foin comme biosti­mu­lants ou comme ingré­dients natu­rels. »