Des pâtes, du risotto, de l‘huile d’olive, des haricots, de la viande de bœuf… la ferme « Bio Alberti » est une vitrine de ce que l’agriculture italienne fait de mieux. Des productions à forte valeur ajoutée sous label qualité, issues d’un système très diversifié et transformées sur place.
Mais c’est par sa dimension que Bio Alberti se distingue de l’ « azienda agraria » classique. Dans un pays où l’exploitation moyenne couvre 12 hectares, cette ferme familiale du centre de l’Italie en travaille 560. Céréales, légumineuses, prairies et oliveraies principalement. Convertie en AB il y a 21 ans, la ferme marie l’ancien et le moderne. Les pratiques d’antan y côtoient des techniques de transformation de pointe. Elle redynamise le petit village de vieilles pierres qui l’accueille, tout en développant ses débouchés à l’international.
« Mon père a étudié l’agronomie à l’université », raconte Andrea Alberti, à la tête de l’exploitation. « Il connaît beaucoup de choses qu’il me reste à apprendre. » Le jeune agriculteur s’est quant à lui formé à l’économie et à la gestion à l’Université de Rome. « Je m’occupe des ventes internationales, je voyage à Londres et ailleurs tout en continuant à travailler sur la ferme. J’apprécie de ne pas faire tous les jours la même chose. »
Dégustation d’huile
Sa sœur Benedetta gère les ventes en Italie et a suivi récemment une formation de sommelière d’huile d’olive, en prévision d’une montée en gamme de la production. « C’est un produit plus difficile que les autres car il est impossible de contrôler les ravageurs et les maladies. Certaines années, il n’y a pas de récolte du tout car nous refusons de vendre une mauvaise huile », explique Andrea. « Les rendements varient beaucoup d’une année à l’autre, mais nous essayons de développer la qualité et la régularité. »
L’oliveraie compte 4 000 arbres, dont les fruits sont triés à la main et pressés à froid. À la ferme, l’extraction se fait 12 heures après la récolte pour préserver la qualité, contre 48 heures en règle générale dans la région. « Il faut choisir son huile d’olive comme on choisit un vin. On n’utilise pas la même pour un poisson ou pour une salade. Ici, nous proposons quatre sortes différentes. Nous commercialisons de l’huile extra vierge au Royaume-Uni, en France, en Norvège, aux États-Unis, en Chine et en République tchèque en passant par un intermédiaire. 40 % des ventes se font à l’étranger, 60 % en Italie. »
Autant par souci de diversification commerciale que pour leur intérêt écologique, la famille a introduit dans ses rotations des cultures traditionnelles comme le petit épeautre, plus ancienne céréale au monde. « Il était cultivé à l’époque romaine. Son grain est petit et son rendement faible, mais il se cuisine bien en risotto et sa farine est une alternative à la farine de blé. Nous avons commencé par des essais dans le cadre d’un projet avec l’Université de Pérouse, et aujourd’hui nous lui consacrons 20 ha. »
Mélanges de blé
Andrea cultive aussi de nombreuses variétés traditionnelles de blé… mais pas séparément. Comme elles sont destinées à la même farine, il choisit de les semer en mélange : « Il vaut mieux les mélanger au champ plutôt qu’au moulin. Ça nous permet d’étouffer les adventices et d’avoir de meilleurs rendements. » Cette année, le semis associe deux tiers de blés tendres Gentilrosso et Verna et un tiers de blé dur. La farine obtenue est à la fois idéale pour le pain, les pizzas et les pâtes.
Les circuits de commercialisation incluent la vente directe aux restaurants, aux particuliers via le site Internet de la ferme, en magasins, et la vente au négoce. Le Senatore Cappelli, ancien blé dur redécouvert il y a quelques années, est le fleuron du catalogue. « Il était beaucoup cultivé dans le sud de l’Italie. Son rendement, à 2 ou 2,5 t/ha, est faible, mais il fait des pâtes merveilleuses. On voit déjà la différence rien qu’à la couleur. »
Nous utilisons le même semoir pour toutes ces cultures, mais en variant la méthode chaque année.
Andrea Alberti
La ferme biologique travaille avec des rotations longues, incluant notamment des lentilles, des pois chiches, des gesses, des haricots Borlotti, noirs et cannellini, et du millet. « Nous utilisons le même semoir pour toutes ces cultures, mais en variant la méthode chaque année. La saison précédente, nous avons semé les lentilles un mois plus tôt pour voir si elles gagneraient en qualité. En revanche, pour le millet semé au printemps, nous avons laissé la repousse en automne et nous avons passé la herse avant le semis. »
« Nous utilisons une seule moissonneuse-batteuse, mais il faut la nettoyer avec soin. » Les céréales sont récoltées vers la fin juin et les légumineuses en juillet. « En ce moment, nous n’avons pas de dispositif de nettoyage spécial pour les cultures sans gluten. Du coup, ça sera notre prochain investissement. » Le stockage du grain, 10 silos et une température contrôlée de 18 °C, jouxte un petit atelier de transformation. Toute la production est locale et conditionnée à la main.
Régime à l’herbe
La ferme héberge 50 ruches pour un apiculteur local. Elle dispose de deux lacs pour l’eau d’irrigation, bien que celle-ci soit rarement nécessaire dans les céréales et les légumineuses. L’Ombrie est en effet l’une des régions les plus humides de la péninsule, ce qui lui a valu le surnom de « cœur vert de l’Italie ».
Environ 250 ha sont couverts de prairies multi-espèces, pour le pâturage et le fourrage des 200 bovins viande de race chianina. Cette race ancienne est connue pour son utilisation dans la recette du « Bistecca alla Fiorentina » (bifteck à la florentine), spécialité toscane qui comprend un épais morceau d’aloyau, saignant et assaisonné simplement de sel et de poivre.
Nous croyons au bio pour notre propre alimentation, et pour son importance environnementale.
Andrea Alberti
« Les vêlages sont étalés sur l’année et nous gardons deux laitières comme vaches nourrices car les chianinas ne produisent pas beaucoup de lait », précise Andrea. « Nous avons deux taureaux et nous finissons les jeunes à 20 mois uniquement à l’herbe. Nous ne donnons aucun concentré. »
Pour boucler la boucle, la famille compte aussi ouvrir un restaurant dans le petit village de San Venanzo où elle pratique déjà l’hébergement rural. « La population municipale n’est que de 24 habitants. Nous avons cinq gîtes et nous rénovons une vieille maison en ruine. Nous croyons au bio pour notre propre alimentation, et pour son importance environnementale. Nous espérons aussi que notre démarche créera des perspectives d’avenir pour les gens du coin. »