Au delà-des grandes cultures, la popularité des drones est croissante dans la surveillance des vignes ou des productions fruitières. En Sicile, la société Pheromed Fly, qui propose ses services de télédétection depuis 2015, a constaté une augmentation sensible de la demande ces dernières années, du côté des exploitations en quête d’outils d’aide à la gestion agronomique.
« Jusqu’à récemment, dans le secteur agricole, on s’en servait presque uniquement de manière expérimentale », rapporte son directeur, Giovanni Petriliggieri. « Aujourd’hui, nous y sommes entrés de plain-pied. L’agriculture représente facilement 30 % de notre activité. » Soucieux de s’établir sur ce marché avec des prestations solides, Petriliggieri a pris contact avec plusieurs organismes de recherche pour mieux cerner l’opportunité de cet appareil dans le contrôle des différentes cultures, et ses avantages par rapport à la surveillance visuelle classique.
L’avantage du ciel
« Surveiller une culture depuis le sol, pied après pied, est clairement moins efficace que de passer par les airs. L’aérien offre une vision beaucoup plus large et plus complète, et surtout permet d’utiliser des outils de détection de haute précision. » Les drones déployés par l’entreprise sont en général des multirotors affichant une envergure supérieure à un mètre, équipés de caméras multispectrales pour la collecte d’images très haute définition (> 45 Mpx).

Les données recueillies par le drone sont ensuite analysées par l’entreprise.
L’imagerie à 5 bandes chromatiques, rappelle Giovanni, permet de faire ressortir les indices de végétation via le pourcentage de radiation reflété sur plusieurs bandes données. L’indice le plus courant est le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) qui évalue l’activité photosynthétique, à partir du rouge, spectre d’absorption de la chlorophylle, et de son voisin l’infrarouge, dans lequel les feuilles reflètent la lumière pour éviter la surchauffe.
Toutes les cultures
« C’est dans les agrumes, dont la culture est la plus répandue en Sicile, que nous avons commencé. » Plusieurs expérimentations ont ensuite été menées, en collaboration avec des chercheurs et dans différentes provinces d’Italie, sur la vigne, la grenade, le kiwi, les arbres fruitiers, mais aussi le blé tendre et le riz. La collecte de données, qui fait toujours l’objet d’un géo-référencement, est identique sur toutes les cultures ; c’est l’interprétation qui change, pointe Giovanni Petriliggieri.
La surveillance aérienne est beaucoup plus efficace que la surveillance au sol, plante par plante.
Giovanni Petriliggieri

L’une des plantations d’orangers surveillée toute l’année par des drones.
Une fois les données glanées, il reste à les décrypter et à prendre les mesures correctives nécessaires. La responsabilité en incombe à l’agronome de l’entreprise, qui va s’appuyer sur son expérience pour prendre les meilleures décisions possibles. Ici, le drone connait une multitude d’applications : guider des décisions techniques comme l’emplacement des dispositifs d’irrigation, le calendrier de la taille des arbres, ou simplement l’évaluation du potentiel productif d’un terrain.
Des orangers surveillés à la loupe
Sur l’exploitation Bioagricola F.lli Solarino, à Rosolini dans la province de Syracuse, le drone est un outil central de la conduite des cultures depuis 2017. Les 30 hectares d’agrumes biologiques y sont surveillés en permanence depuis les airs. Plusieurs variétés d’oranges à pulpe jaune, exportées dans toute l’Europe, constituent la production la plus importante de l’exploitation.
L’utilisation des drones nous permet de réduire notre consommation de phytosanitaires.
Monica Solarino

Monica Solarino, CEO der Bioagricola F.lli Solarino in Sizilien
« On peut dire de notre ferme que c’est une pionnière de l’agriculture biologique », rapporte la propriétaire de l’exploitation, Monica Solarino. « Nous avons débuté en 1996 alors qu’il y avait encore beaucoup de sceptiques quant à ce système, mais on y a cru et exploité toutes les possibilités que le progrès technologique mettait à notre disposition, y compris le drone, pour éviter de recourir aux produits phytosanitaires. »
Les vergers d’agrumes de Bioagricola F.lli Solarino ressemblent aujourd’hui à de véritables jardins, luxuriants et parfaitement soignés. Les plantations, âgées de 30 ans au maximum, sont renouvelées en permanence afin d’avoir constamment des plantes en pleine vigueur, productives et toujours plus évoluées génétiquement, notamment en termes de résistance au stress, pour s’adapter au réchauffement. Les mois les plus chauds et les plus secs, l’irrigation se fait au moyen de dispositifs enterrés, pour économiser l’eau mais aussi réduire la pression des adventices en surface, d’où une réduction notable du désherbage mécanique entre les rangs.
Mais c’est bien le recours aux drones qui a permis, à partir de 2017, de réussir un véritable saut qualitatif. Leur introduction, selon Monica Solarino, a contribué à augmenter la production de quelque 20 %, tout en réduisant les déchets. Elle a aussi permis une nette amélioration de la qualité des fruits.
Entre floraison et récolte
« Lorsque nous avons commencé à utiliser cette technologie, nous faisions deux survols par mois car nous étions encore dans une phase expérimentale. Aujourd’hui, nous prévoyons généralement 4 à 5 sorties pendant la période comprise entre la floraison et la récolte », explique Monica. « Le recours aux drones nous permet de garder un œil sur l’indice végétal et le développement des plantes, et donc d’identifier les situations critiques ou les échecs. » Sur la carte, les parties qui se rapprochent du jaune sont les zones à problème. « Grâce à la géolocalisation, l’ouvrier peut ensuite aller vérifier sur le terrain de quoi il en retourne. Ce sont parfois des problèmes d’ordre phytosanitaire, mais cela peut aussi être lié à l’irrigation ou à la fertigation.
Connaître le rendement des parcelles à l’avance est très important pour nous, car cela nous permet d’organiser la récolte, le calibrage, le conditionnement et l’expédition.
Monica Solarino
« Cette technologie nous a permis réduire significativement nos intrants, avec des avantages très importants pour la production biologique ». L’autre atout du drone sur l’exploitation F.lli Solarino est d’établir un prévisionnel de rendement en évaluant, via la caméra multispectrale, le nombre de fruits présents à l’hectare dès que la couleur commence à changer. « Connaître le rendement des parcelles à l’avance est très important pour nous, car cela nous permet d’organiser au mieux la récolte et les étapes suivantes, à savoir le calibrage, le conditionnement et l’expédition », souligne Monica Solarino.

L’utilisation des drones permet un suivi aérien multispectral qui se traduit par une cartographie à géo-référencement, précise et complète des parcelles (images Pheromed Fly).
Des coûts raisonnés
Selon Monica Solarino, le retour économique lié à cet OAD (économie de produits, gestion de l’irrigation, maîtrise des pertes éventuelles) justifie les coûts engagés, lesquels atteignent 30-40 euros à l’hectare. Au-delà du contrôle ponctuel au sein de la campagne, il s’agit aussi de gérer les orangers sur le long terme. « Grâce à la cartographie par drone, nous sommes en mesure de déterminer où et quand replanter. Cela permet aussi de faire des choix cruciaux en cas de gros imprévu, comme avec la récente attaque du virus responsable de la tristeza des agrumes. Seul un suivi aérien multispectral permet, dans ce cas précis, de contrôler l’évolution de la maladie et de prendre des décisions informées. »