Le moteur électrique fournit une densité de puissance élevée et présente des avantages conséquents en termes d’automatisation ou d’autonomie. Et cette technologie est d’ores et déjà disponible. Nous sommes déjà capables de la déployer sur le terrain. La question se pose : qu’est-ce qui sera possible demain, quand les batteries seront plus puissantes, et pas plus grosses qu’une boîte à chaussure ?
C’est à cet effort d’imagination que je vous invite dans cette contribution. Nous allons reprendre la conception d’un tracteur à partir de zéro.
Si l’on se prête au jeu, un grand nombre de composantes peuvent être laissées de côté. La cabine disparaît, car le véhicule se déplace de manière autonome. Sans moteur diesel, plus besoin de système d’échappement ni de réservoir. Si nous poussons encore un peu plus loin, et renonçons provisoirement aux roues, à l’essieu avant et au châssis principal, il ne reste plus que le cœur du tracteur : son essieu arrière. En plus de celui-ci, nous conservons une transmission efficace qui entraîne l’essieu au moyen de moteurs électriques. De même, l’hydraulique arrière, la prise de force et les interfaces pour équipements standardisées sont conservées.
Le tracteur – repensé
Construisons donc notre nouveau tracteur sur cette base. Postulons tout d’abord que nous le plaçons sur un train de roulement à chenilles. Il suffit de relier ce dernier à deux moteurs électriques par l’intermédiaire d’un réducteur, et la partie mécanique de la chaîne cinématique est déjà en place.
Alors que dans un tracteur classique, la vitesse de rotation du moteur diesel et celle des pompes hydrauliques sont interdépendantes, nous séparerons les deux systèmes pour rendre la chaîne cinématique encore plus efficace. En d’autres termes : l’un des moteurs est essentiellement responsable de l’entraînement de traction, le second de la prise de force arrière et du système hydraulique – chacun de ces moteurs développant une puissance de 250 kilowatts.
Dès lors, la puissance de notre prototype est comparable à celle d’un tracteur série 7000 ou 8000. C’est uniquement possible dans un volume aussi réduit parce que les composants électriques sont très compacts et denses en puissance (…et parce que nous avons laissé de côté, pour le moment, la question de l’alimentation en énergie). Cela peut-il réellement fonctionner, et si oui comment ?
Encore un peu de patience, nous allons y venir.
Transmettre la puissance au sol
Notre tracteur est doté d’un convertisseur John Deere pour l’alimentation et la commande des moteurs électriques. Un second convertisseur nous permet de dériver de l’énergie sur un équipement. Au cours de la prochaine étape, la chaîne cinématique reçoit un revêtement. Sous le châssis se trouvent un nouveau système de freinage et plusieurs circuits de refroidissement, entre autres pour les composants électriques et le système de commande.
Pour transmettre la puissance au sol, nous pouvons lester le tracteur. À cette fin, plusieurs masses peuvent être montées, aussi bien sur le châssis que sur les chenilles. Nous pouvons ainsi décider si nous souhaitons alourdir le véhicule ou si nous avons besoin d’un engin plus léger, suivant l’objectif, un travail du sol lourd ou d’autres tâches nécessitant moins de puissance.
Sans essieu avant, la version à roues du tracteur pourrait basculer. Pour résoudre ce problème, le tracteur entre en symbiose avec l’équipement – l’ensemble de l’attelage s’équilibre. L’essieu de l’outil joue le rôle d’un second essieu pour la machine. Il en résulte une forme de direction articulée. Les équipements peuvent être des outils standards, seule la liaison tracteur-outil doit être adaptée.
Jusqu’ici, tout fonctionne. Il reste une question importance : d’où vient l’énergie ? De toute évidence, le postulat énoncé au début de l’article – celui d’une batterie de la taille d’une boîte à chaussures – n’est pas pour demain.
Énergie depuis le bord du champ
Une solution envisageable pour ce prototype : baser la distribution d’énergie sur le principe du tracteur GridCon. Le GridCon, un autre prototype développé par John Deere, est alimenté depuis le bord du champ au moyen d’un câble. Il pourrait relayer le courant à des tracteurs autonomes via d’autres câbles. Des tracteurs, au pluriel : le concept ne prend en effet tout son sens que lorsque le tracteur travaille en essaim avec d’autres unités.
L’énergie amenée au champ est ainsi exploitée de manière plus efficace. Les progrès dans le domaine du pilotage ou de la conduite autonome permettent des virages soignés et une circulation sans accrocs à l’intérieur des parcelles. Bien entendu, un opérateur humain reste nécessaire, pour surveiller les opérations depuis le bord du champ.
Certes, notre tracteur en essaim ne sera certainement pas produit en série dans les années qui viennent. Il reste des obstacles à franchir : infrastructure, aménagement des exploitations, modèles de facturation des fournisseurs d’énergie, réglementations et législation…
Liberté de conception
Ce projet, néanmoins, est très précieux pour nous. Le principe de l’alimentation par câbles nous permet en effet de tester des véhicules au champ sur de longues périodes sans être freinés par les limitations des batteries. Nous pouvons théoriquement faire travailler de telles machines 24 heures d’affilée et collecter des informations sur leur fonctionnement. Je suis toujours surpris de voir quelles nouvelles idées naisse quand on observe depuis le bord du champ les déplacements d’un essaim de tracteurs en pleine action.