Agriculture de précisionÉtudier l’impact de la conduite du blé sur le rende­ment et la qualité

Dans le cadre d’un essai mené en colla­bo­ra­tion avec le semen­cier Saaten-Union, John Deere étudie l’impact de divers para­mètres tels que la ferti­li­sa­tion, la densité de semis et les régu­la­teurs de crois­sance sur le rende­ment et la teneur en protéines du blé d’hiver.

Dans un contexte tendu pour les charges d’intrants et les prix à la produc­tion, l’UE et l’opinion publique réclament en outre que les aides décou­plées soient asso­ciées à des mesures compen­sa­toires d’intérêt collectif. Pour les produc­teurs, il est plus que jamais néces­saire de conti­nuer à opti­miser leur système afin d’en préserver la renta­bi­lité. C’est dans cet esprit que John Deere et Saaten-Union ont engagé des essais cultu­raux en commun, en vue de déter­miner de manière systé­ma­tique l’influence de diffé­rents para­mètres sur le rende­ment et la teneur en protéines du blé d’hiver.

Problé­ma­tique de l’essai

Rende­ments et qualité sont en parti­cu­lier influencés par les produits phyto­sa­ni­taires, les engrais, le choix des variétés, la densité de semis et l’utilisation de régu­la­teurs de crois­sance. L’objectif de cet essai : mettre en évidence les effets de diffé­rentes stra­té­gies de conduite du blé tendre grâce à une varia­tion systé­ma­tique de certains facteurs (ferti­li­sa­tion, densité de semis, utili­sa­tion de régu­la­teurs de crois­sance) asso­ciée à un semis parfai­te­ment réalisé d’un point de vue tech­nique.

Sites d’essais

Le premier essai (S1) prend place en Haute-Bavière (Alle­magne) sur un sol brun, tandis que le deuxième site (S2), dans la plaine de Magde­burger Börde, est un tcher­no­ziom. Le site S1 se carac­té­rise par des préci­pi­ta­tions annuelles totales plus élevées (850 mm environ) avec un étale­ment globa­le­ment homo­gène des pluies sur l’année. Le site S2, à l’inverse, se trouve dans l’ombre pluvio­mé­trique du massif du Harz et affiche des préci­pi­ta­tions annuelles plus faibles de 500 mm seule­ment, avec des séche­resses esti­vales récur­rentes.

Des bandes d’essai ont été implan­tées avec respec­ti­ve­ment 2 (S1) et 4 (S2) répé­ti­tions. Sur le site 2, trois échan­tillons indi­vi­duels ont été prélevés dans chaque zone au moyen d’une mois­son­neuse compacte (= 864 mesures). Sur le site 1, 4 échan­tillons indi­vi­duels ont été prélevés dans chaque zone (= 288 mesures).

Rende­ment moyens et teneur en protéines mises en rapport avec la densité de semis et le type d’engrais utilisé.

Semis

Deux variétés modernes de blé d’hiver ont été semées à des densités de 80, 160 et 240 grains/m² (S1) et 100, 160, 220 et 280 grains/m² (S2). Le but était de confirmer le poten­tiel de réduc­tion des densités par rapport aux densités clas­siques. Un posi­tion­ne­ment optimal des semences dans le sol, réalisé au moyen d’un semoir modifié, a constitué la base de l’expérimentation.

Ferti­li­sa­tion

Un engrais à base d’ammonitrate à action rapide a été épandu sur la moitié des zones, en trois apports cali­brés selon les besoins des plantes. Un engrais à base d’urée à action lente a été utilisé sur le reste des parcelles, en seule­ment deux épan­dages précoces, ce qui a permis d’économiser un passage et de prendre en compte la séche­resse crois­sante du début de l’été. En règle géné­rale, une dimi­nu­tion de 20 % de toutes les appli­ca­tions d’azote a été simulée pour inclure les effets de la régle­men­ta­tion des engrais « zones rouges » en Alle­magne, en vertu de laquelle le volume total d’engrais est calculé en fonc­tion du site (RSH pour S1 : 60 kg N/ha ; S2 : 45 kg N/ha).

Stra­tégie azote 1 :

Ammo­ni­trate, trois épan­dages en début de végé­ta­tion, aux stades BBCH 30/31 et BBCH 39/49

Stra­tégie azote 2 :

Urée stabi­lisée, deux épan­dages en début de végé­ta­tion et à BBCH 30/31

Régu­la­teurs de crois­sance

Stra­tégie régu­la­teur de crois­sance 1 

Pour le renfor­ce­ment des tiges : 0,4 l/ha de produit à base de trinexapac-éthyl à BBCH 31/32

Stra­tégie régu­la­teur de crois­sance 2 

Pour le renfor­ce­ment des tiges et l’inhibition de la domi­nance apicale : 2 x 0,5 kg/ha de produit (prohexa­dione calcium et trinexapac-éthyl) à BBCH 20/25 et 37/39

Stra­tégie régu­la­teur de crois­sance 3 

Pour la stabi­li­sa­tion et le raccour­cis­se­ment des tiges et l’inhibition de la domi­nance apicale : 0,8 l/ha de chlo­rure de chlor­mé­quat à BBCH 25/30 et 0,3 l/ha de produit à base de trinexapac-éthyl à BBCH 31/32

Résul­tats

Les deux sites de l’essai ont présenté des diffé­rences signi­fi­ca­tives en termes de rende­ment sur l’ensemble des variantes expé­ri­men­tales. Le site S1, avec une moyenne de 10,1 t/ha, a produit plus de 20 quin­taux de moins que le site S2 (12,3 t/ha). Ces rende­ments élevés ont été obtenus en dépit de la séche­resse prononcée que la région de Magde­burger Börde a subie au prin­temps, et de la chaleur et de la séche­resse inha­bi­tuelles aux stades de remplis­sage et de matu­rité du grain en Haute-Bavière. Dans la plaine de Magde­burger Börde (S2), les préci­pi­ta­tions ont été faibles, mais ont eu lieu durant des phases plus favo­rables.

Influence de la ferti­li­sa­tion sur le rende­ment et la teneur en protéines

L’influence du choix de l’engrais azoté a été mani­festes sur les deux sites. Les blés ayant reçu un engrais à base d’urée ont produit des rende­ments plus élevés, sauf aux densités de semis les plus faibles (Fig. 1 et 2) sur le site de Haute-Bavière. En général, les teneurs en protéines ont été très faibles, infé­rieures à 11,5 %, et n’ont jamais permis de dépasser la qualité d’un blé four­rager.

En revanche, la ferti­li­sa­tion à base d’ammonitrate a produit des effets évidents sur le site de Börde. En effet, les rende­ments des cultures ainsi ferti­li­sées ont été en moyenne plus élevés de 6,5 quin­taux par rapport à ceux des zones ferti­li­sées à l’urée. Ces zones ont toutes produit un rende­ment d’environ 13 t/ha, y compris aux taux de semis les plus faibles. En dépit du niveau de rende­ment élevé, des teneurs en protéines supé­rieures à 12 % ont été obte­nues en moyenne. Toutes les zones ferti­li­sées à l’urée affichent une qualité supé­rieure, avec un taux protéique >13 %. Ce bon résultat peut être attribué à la forme de l’engrais, qui a produit un effet positif sur la synthèse protéique en raison de l’action retardée de l’urée stabi­lisée. Il est aussi possible que, sur les zones ammo­ni­trate, la baisse des taux de protéines reflète un effet de dilu­tion lié aux rende­ments plus élevés.

Effet des régu­la­teurs de crois­sance en fonc­tion de la densité de semis (CMC : chlo­rure de chlor­mé­quat, Trinex : trinexapac-éthyl, TrinPro : trinexapac-éthyl et prohexa­dione calcium).

Stra­tégie régu­la­teurs de crois­sance

À densité de semis faible, l’objectif de rende­ment ne peut être atteint qu’avec un bon tallage. Dans le même temps, la domi­nance apicale de la pousse prin­ci­pale ne favo­rise ni un rende­ment élevé ni des cultures homo­gènes. L’objectif est de rompre la domi­nance apicale des pousses prin­ci­pales ou de stabi­liser les tiges, en parti­cu­lier à de faibles densités de semis, en mettant en place des stra­té­gies perti­nentes de régu­la­teurs de crois­sance.

Les zones trai­tées avec du chlo­rure de chlor­mé­quat et un produit conte­nant du trinexapac-éthyl ont réalisé les rende­ments les plus élevés pour les densités de semis inter­mé­diaires. Cepen­dant, avec une densité de semis de seule­ment 80 grains/m² sur le site 1, l’effet de cette densité trop faible l’a emporté sur l’avantage procuré par la rupture de la domi­nance apicale. Sur le site 2, les effets ont été encore plus visibles. La variante CMC+Trinex a même amélioré le rende­ment de 2 et 4 quin­taux respec­ti­ve­ment, sur des densité de semis moyenne à faible (160-100 grains/m², fig. 3 et 4). Les zones ayant fait l’objet d’une seule appli­ca­tion de trinexapac-éthyl à BBCH 31/32, et affi­chant une densité de semis de 220 grains/m², ont mis en évidence des effets posi­tifs sur le rende­ment du site 2. En revanche, sur le site 1, deux passages de produit à base de trinexapac-éthyl et de prohexa­dione calcium ont donné lieu à des gains de rende­ment d’un peu plus de 3 q/ha pour une densité de 240 grains/m².

Un bon tallage est néces­saire au main­tien du rende­ment sur les densités de semis faibles.
Densité de semis réduite.

Bilan azoté

Il est inté­res­sant de se pencher sur le bilan azoté à l’issue des expé­ri­men­ta­tions sur les deux sites. Sur le site S1, même en tenant compte des valeurs Nmin, on atteint presque l’équilibre en azote (en calcu­lant une moyenne de + 0,4 kg N/ha pour toutes les variantes). En suppo­sant que la valeur des reli­quats reste constante en moyenne, il est possible d’obtenir une valeur N de sol équi­li­brée.

Néan­moins, si l’on ne tient pas compte de la valeur Nmin, très fluc­tuante en sortie d’hiver, la balance nette entre l’apport d’azote et l’azote exporté est clai­re­ment néga­tive sur le site S1. En compa­raison, sur le site S2, toutes les zones affichent une moyenne de -106,2 unités à l’hectare. Les taux protéiques élevés, qui ne sont géné­ra­le­ment plus attendus à de tels niveaux de rende­ment, entraînent une expor­ta­tion de l’azote large­ment supé­rieures aux apports. Toute­fois, une analyse des dernières années sur le site S2 révèle une insta­bi­lité élevée du côté des rende­ments : durant les années à faibles rende­ments, des valeurs équi­li­brées peuvent être obte­nues en respec­tant la régle­men­ta­tion engrais, mais même avec des rende­ments moyens à élevés, le respect de la régle­men­ta­tion entraîne un bilan d’azote fran­che­ment négatif. Une stra­tégie de ferti­li­sa­tion respec­tant la régle­men­ta­tion des engrais risque donc de se traduire par un appau­vris­se­ment en humus, avec son cortège d’effets néga­tifs sur la ferti­lité du sol et sur l’environnement.

Conclu­sion

Les effets des diffé­rentes densités de semis et des deux formes d’engrais ont été signi­fi­ca­tifs cette année. Une fois de plus, ces résul­tats démontrent que les densités de semis peuvent être réduites pour le blé d’hiver par rapport à celles actuel­le­ment prati­quées. Les variétés modernes de blé affichent une plas­ti­cité très élevée en ce qui concerne l’occupation de l’espace et obtiennent des rende­ments et des qualités de grain élevés, même à des taux de semis réduits.

L’utilisation d’engrais azoté à action rapide (dans ce cas, ammo­ni­trate), qui favo­rise la forte crois­sance de la plante, combinée à une stra­tégie de régu­la­teur de crois­sance empê­chant la forma­tion d’une quan­tité exces­sive de biomasse, peut permettre d’augmenter le rende­ment du blé d’hiver. Cepen­dant, ce résultat s’obtient souvent au détri­ment des teneurs en protéines brutes. L’urée stabi­lisée permet d’atteindre plus faci­le­ment des taux de protéines plus élevés. En fonc­tion de la situa­tion du marché, cette solu­tion peut présenter des avan­tages écono­miques : l’économie d’un troi­sième passage de ferti­li­sa­tion et le prix plus attractif lié à une meilleure qualité peuvent compenser les pertes de rende­ment.

Une expor­ta­tion élevée de l’azote par les plantes, observée plusieurs années de suite sur le site de Magde­burger Börde, ne peut pas être compensée dans le cadre d’une ferti­li­sa­tion qui respecte la régle­men­ta­tion alle­mande enca­drant l’usage de ferti­li­sants. Cet état de fait conduira à moyen terme à une baisse des réserves en azote du sol et donc à un appau­vris­se­ment en humus. De manière spéci­fique, une dimi­nu­tion de la ferti­li­sa­tion azotée s’élevant à 20 % des besoins calculés en azote, comme cela a été expé­ri­menté sur les deux sites dans le cadre des « zones rouges », doit donc être consi­dérée avec une extrême prudence eu égard aux effets agro­no­miques et écolo­giques à moyen et long terme.