Agriculture de précisionMoins de stress, plus de rende­ment : ce que change l’agriculture de préci­sion

Avec le guidage GPS, la télé­mé­trie et la gestion de données en temps réel, de plus en plus d’exploitations agri­coles roumaines font le pari de l’innovation. Objectif : produire mieux, consommer moins, tout en restant rési­lient face aux aléas.

En vingt ans, l’évolution a été spec­ta­cu­laire. Courant mai, Le Sillon rendait visite à Valentin Ghim­pețeanu, un agri­cul­teur du dépar­te­ment de Giurgiu, en Roumanie. Il venait de quitter sa combi­naison de travail et se prépa­rait à passer quelques jours au bord de la mer… À une période où la plupart des agri­cul­teurs travaillent d’arrache-pied, Valentin se montrait détendu, et il a expliqué pour­quoi. Grâce à des machines inno­vantes et à des systèmes numé­riques, le travail sur le terrain ne lui cause plus de stress – et il est plus flexibles dans les phases diffi­ciles.

Des machines anciennes à la vision numé­rique 

Aujourd’hui, Valentin travaille 1 600 hectares aux côtés de son père, son beau-frère et quatre conduc­teurs de machines. Pour autant, les débuts de la ferme n’ont pas été sans diffi­cultés. L’implication de la famille dans l’agriculture a commencé il y a plusieurs décen­nies, lorsque le grand-père de Valentin diri­geait une ferme collec­tive (CAP) à l’époque commu­niste. À cette époque, le père de Valentin s’est orienté vers la construc­tion de routes et de ponts, tandis que Valentin passait ses vacances à surveiller les champs de pastèques avec son grand-père. 

Fina­le­ment, son père n’a pas trouvé de satis­fac­tion dans son travail, alors il a essayé d’investir dans une station-service, ce qui n’a pas fonc­tionné. Il a alors commencé à s’intéresser plus sérieu­se­ment à la terre, fondant ce qui est aujourd’hui leur ferme de grandes cultures. 

Encore présents sur la ferme : d’anciens trac­teurs roumains U650 de l’ère sovié­tique.
Céréales et colza pros­pèrent sur la ferme des Ghim­pețeanu.

Valentin se souvient qu’au début des années 2000, leurs terres étaient travaillées avec six trac­teurs roumains U650. Ce n’est qu’en 2008 qu’ils ont acheté leur première machine moderne, un trac­teur de 195 CV. 

Peu après, Valentin a pris les rênes de l’exploitation. Diplômé de deux univer­sités en admi­nis­tra­tion publique et en économie, et malgré le souhait de son père de le voir réussir dans n’importe quel domaine sauf l’agriculture, Valentin choisit ainsi de rester à la ferme. Ses premiers sillons parfai­te­ment labourés lui valent le respect paternel. 

Les autres conduc­teurs utili­saient de vieux trac­teurs sovié­tiques. « Toute la journée, nous trans­por­tions des câbles, des clés, des marteaux, et nous étions toujours sales parce que quelque chose se cassait constam­ment », se souvient Valentin. Le travail se pour­suit dans ces condi­tions jusqu’en 2012. 

Quand un GPS a tout changé 

« À un moment donné, j’ai vu un John Deere fonc­tion­nant en auto­gui­dage et j’ai dit à mon père : C’est celui-là qu’il nous faut. » Ce trac­teur – un modèle 8335 R équipé d’antenne GPS – a tout changé à la ferme. À partir de ce jour-là, Valentin est tombé amou­reux de cette tech­no­logie.

Le parc de machines déve­loppé au fil du temps apporte aujourd’hui un énorme plus en termes d’efficacité.

 « Je n’ai manqué aucune session de forma­tion orga­nisée par mon conces­sion­naire, je me suis lié d’amitié avec les commer­ciaux et j’ai commencé à n’acheter qu’auprès d’eux », explique-t-il.

Ce trac­teur a été suivi d’un semoir à six rangs. Lorsqu’il a constaté la rapi­dité et la préci­sion de son fonc­tion­ne­ment, Valentin en a acheté deux autres, pour le maïs et le tour­nesol, ainsi qu’un outil combiné capable d’effectuer quatre opéra­tions en un seul passage. Cela a permis d’abandonner la charrue au profit du travail du sol simplifié.

Au fil du temps, la passion de Valentin pour la tech­no­logie a attiré l’attention de son conces­sion­naire (IPSO), qui l’a invité à devenir parte­naire de test terrain, afin de fournir des retours sur les nouveaux équi­pe­ments dans des condi­tions réelles avant leur mise sur le marché.

Actuel­le­ment, la prépa­ra­tion des champs se fait avec deux trac­teurs John Deere R8410, chacun tirant un Kuhn Performer. « Ainsi, nous n’allons qu’une seule fois au champ, et la machine broie et mélange les résidus végé­taux, nivelle et rappuie le sol. Ensuite, nous semons. Aucun autre travail n’est néces­saire », explique Valentin.

Leur parc de machines actuelle comprend six trac­teurs John Deere : deux de 410 CV, un de 370 CV, un de 335 CV et deux de 155 CV, ainsi qu’un pulvé­ri­sa­teur auto­mo­teur (MET 732) et la plus grande mois­son­neuse-batteuse de la série S avec barre de coupe de 12 mètres.

Quand numé­ri­sa­tion rime avec effi­ca­cité

En mai dernier, les cultures d’orge, de blé et de colza pros­pèrent. Tous les trai­te­ments ont été appli­qués à temps, et Valentin surveille de près l’évolution des cultures, notam­ment depuis son télé­phone. 

Valentin utilise la plate­forme John Deere Opera­tions Centre pour plani­fier, suivre et analyser toutes les opéra­tions. Il peut examiner les données de perfor­mance de chaque machine pour prendre des déci­sions raison­nées campagne après campagne. Tous les utili­sa­teurs de la plate­forme peuvent suivre en direct l’évolution de leurs cultures, plani­fier les opéra­tions et échanger en temps réel avec des agro­nomes ou des pres­ta­taires de services.

Avec toutes les données char­gées des trac­teurs sur son télé­phone et son ordi­na­teur, rien ne se passe à la ferme sans qu’il le sache. La surveillance en temps réel lui offre une visi­bi­lité complète et une tran­quillité d’esprit. En l’accompagnant aux champs, on constate le confort dans lequel il travaille, grâce à l’état d’avancement tech­no­lo­gique de son parc. Par exemple, à l’approche des champs concernés, le trac­teur commence à iden­ti­fier les parcelles sur lesquelles il a déjà travaillé et demande s’il doit y effec­tuer une opéra­tion. 

Grâce au contrôle de section et à la modu­la­tion, les exploi­tants peuvent appli­quer exac­te­ment la bonne dose de semences, d’engrais ou de phyto­sa­ni­taires, au bon moment et au bon endroit.

Le moni­teur affiche les derniers réglages effec­tués via ordi­na­teur ou télé­phone pour la parcelle appa­rais­sant sur la carte. Le trac­teur sait égale­ment quel outil est attelé, sa largeur de travail et connaît parfai­te­ment la posi­tion des lignes de guidage.  L’agriculteur peut affiner les réglages et les para­mètres du trac­teur, sans délé­guer cette tâche aux conduc­teurs.

Grâce à Auto­Trac™, les trac­teurs se pilotent « eux-mêmes » avec une préci­sion allant jusqu’à 2,5 cm, ce qui permet de mini­miser les chevau­che­ments, et bien sûr d’économiser du carbu­rant, du temps et des intrants.

Valentin a été parmi les premiers roumains à tester l’automatisation de braquage sur les trac­teurs. « Il suffit désor­mais de monter dans la machine et de la confi­gurer, et c’est tout. Il travaille toute la journée sans pause. » L’exploitant peut tout contrôler depuis son télé­phone et reçoit une alerte si le moteur tourne trop long­temps au ralenti. « Le moni­teur demande même au conduc­teur : Qu’est-ce que tu fais ? Tu manges ? Pour­quoi est-ce que tu ne travailles pas ? », sourit Valentin.

L’agriculteur comme gestion­naire de données

Alors que tech­no­logie a trans­formé les ouvriers agri­coles d’hier en agri­cul­teurs, aujourd’hui, la numé­ri­sa­tion aide les entre­pre­neurs du secteur agroa­li­men­taire à devenir des stra­tèges et des gestion­naires de données. 

Grâce au GPS, aux capteurs et aux plate­formes de gestion avec analyse en temps réel, Valentin a appris à gérer chaque mètre carré de terrain indi­vi­duel­le­ment. Ses déci­sions sont basées sur des données complexes, et non sur l’intuition ou l’habitude. Pour lui, l’agriculture de préci­sion n’est plus une nouveauté, mais la norme ; et à ses yeux, elle fait la diffé­rence entre la survie et le succès dans l’agriculture d’aujourd’hui. Au cours d’une campagne, cela se traduit par des milliers d’euros gagnés : coûts réduits, rende­ments plus équi­li­brés, et moins de pertes. 

Grâce aux systèmes de contrôle de section et de modu­la­tion, les agri­cul­teurs peuvent appli­quer exac­te­ment la bonne dose de semences, d’engrais ou de phyto­sa­ni­taires, au bon endroit. Sans oublier le carbu­rant écono­misé.

Le parc de machines déve­loppé au fil du temps apporte désor­mais un gain consi­dé­rable en termes d’efficacité.

Il suffit désor­mais de monter dans la cabine et de confi­gurer le trac­teur pour qu’il soit capable de travailler toute la journée sans inter­rup­tion.

« Le comp­table dit que nous consom­mons main­te­nant un quart du carbu­rant que nous utili­sions aupa­ra­vant. » Cette effi­ca­cité impacte aussi le poste travail : « Nous pouvons main­te­nant couvrir 100 ha/jour avec un seul trac­teur. Avant, pendant la récolte, nous étions bloqués dans les champs jusqu’à l’hiver. Aujourd’hui, avec une mois­son­neuse-batteuse, nous récol­tons 50 hectares par jour. » 

Sans oublier le confort. « Je conduis tous les trac­teurs et je souhaite qu’ils soient confor­tables. J’ai des sièges Premium avec Acti­ve­Seat, une suspen­sion active à commande élec­tro­nique qui utilise des capteurs et un circuit élec­tro­hy­drau­lique pour amortir auto­ma­ti­que­ment les mouve­ments verti­caux causés par les irré­gu­la­rités du terrain. Le siège ajuste constam­ment sa posi­tion pour réduire les vibra­tions, ce qui se traduit par un confort excep­tionnel », explique-t-il.

L’avenir repo­sera sur des déci­sions intel­li­gentes

Les inves­tis­se­ments dans la tech­no­logie ont permis d’améliorer l’efficacité et les rende­ments tout en rédui­sant la main-d’œuvre agri­cole. Qu’il s’agisse de passer du labour au travail minimal du sol pour préserver l’humidité, de réaliser des opéra­tions ultra­pré­cises en utili­sant des lignes de guidage cohé­rentes, ou de pulvé­riser intel­li­gem­ment avec des appli­ca­tions variables permet­tant de sauve­garder 15 à 20 % d’herbicides, de fongi­cides ou d’engrais liquides, tout cela a trans­formé le rythme de vie de l’agriculteur.

L’environnement profite lui aussi de ces évolu­tions. La réduc­tion des trai­te­ments super­flus diminue le risque de phyto­toxi­cité et préserve l’équilibre micro­bio­lo­gique du sol. Ce qui a aussi un impact écono­mique : les appli­ca­tions contrô­lées aident à respecter les normes d’éco-conditionnalité et consti­tuent un atout majeur pour les demandes d’aides. Les agri­cul­teurs qui adoptent l’agriculture de préci­sion ne se contentent pas seule­ment de discuter de dura­bi­lité : ils deviennent plus rési­lients face aux défis. Ils font partie des premiers à contri­buer direc­te­ment à la réduc­tion de l’empreinte carbone et à la préser­va­tion des ressources natu­relles.

En visi­tant la ferme de Ghim­pețeanu, une chose devient claire : l’agriculture de préci­sion n’est pas seule­ment une affaire de tech­no­logie – elle répond d’abord à un impé­ratif de résul­tats. De meilleures récoltes, des coûts réduits et une acti­vité plus rentable. Et lorsque des machines inno­vantes font partie de l’équation, le poten­tiel se trans­forme en perfor­mance.