Chaque année, la filière de laitue britannique voit débarquer des milliers de saisonniers pour la récolte et le conditionnement. Mais la disponibilité de la main d’œuvre a diminué. Celle issue de l’immigration est en recul – notamment en raison du Brexit et de la Covid19 – mais c’est aussi le cas de la main-d’œuvre nationale, rebutée par la pénibilité de la récolte manuelle.
Or les producteurs d’outre-Manche dépendent des saisonniers pour le poste récolte-conditionnement, comme l’explique Dermot Tobin, directeur agriculture du producteur PDM (1 538 ha). « La quasi-totalité de la laitue que vous voyez dans les rayons des supermarchés britanniques est coupée à la main. Trouver de la main d’œuvre devient délicat et avec l’inflation des salaires, qui augmentent beaucoup plus vite que les prix à la production, les marges sont vraiment serrées. »
Du côté des consommateurs, la demande reste haute. La laitue iceberg est ainsi la première culture légumière en valeur au Royaume-Uni, avec quelque 99 000 t récoltées en 2019 et une valeur marchande de 178 millions de livres sterling (210 millions d’euros). Sachant que sa récolte dépendait jusqu’à présent de la main-d’œuvre manuelle, la pérennité de cette production se trouve menacée. Une situation similaire à celle rencontrée sur le continent, ou encore aux États-Unis. Ce qui pousse le marché des technologies de récolte à se développer.
La bonne coupe
Pour compenser la pénurie de main d’œuvre, un groupement d’acteurs a récemment lancé un projet commun de recherche et développement visant la mise au point d’une récolteuse de laitue robotisée. Impliquant notamment le machiniste allemand Grimme, le centre d’innovation britannique Agri-EPI Centre ou encore l’Université Harper Adams, ce projet lancé en avril 2021 aboutissait en septembre dernier à un prototype fonctionnel.
Une récolteuse de poireaux a servi de point de départ au développement du robot. Sur cette base, des vis sans fin coniques ont été installées et orientées de manière à soulever les salades du sol et à l’amener au convoyeur. La gageure est de retirer mécaniquement les feuilles extérieures et, à l’aide d’une caméra et d’analyse d’image, d’identifier précisément le point de coupe, où un couteau robotique tranchera chaque tige pour en laisser environ 3 mm.
« Le défi consiste à identifier le bon point de coupe et à déclencher le couteau », explique Duncan Ross, responsable du développement du projet chez Agri-EPI. Plusieurs problèmes restent à surmonter, notamment les déchets provenant de l’effeuillage qui tendent à obscurcir la vision de la machine.
Un gros investissement
Actuellement, la récolteuse est attelée latéralement à un tracteur, le conducteur étant guidé par une caméra, mais l’objectif à long terme est d’avoir trois robots de récolte combinés à une unité de conditionnement, de sorte que les laitues puissent être récoltées automatiquement puis emballées à la main et conditionnées immédiatement pour les grossistes. Selon ses concepteurs, le robot pourrait réduire de moitié les besoins en main-d’œuvre, tout en réduisant la pénibilité de la récolte.
Le défi consiste à identifier le bon point de coupe et à déclencher le couteau.
Duncan Ross
Le projet se situe pour le moment au stade de l’étude de faisabilité, et il faudra encore du temps avant que les champs de laitue du Royaume-Uni – et du continent – ne voient ces robots en action. Sans surprise, la technique ciblera en priorité les gros producteurs capables d’investir plus de 300 000 £ par machine (355 000 €) – un coût en partie relativisé par la baisse des charges de main d’œuvre, et le simple fait que d’ici là, la situation sur le marché du travail devrait encore se compliquer. « Le secteur doit se tourner la technologie robotique pour réduire sa dépendance vis à vis de la main-d’œuvre », estime Dermot Tobin. « Être impliqué dans ce projet est de la plus haute importance pour notre entreprise. »
Tous les partenaires associés à ce projet :
Le projet est financé par Innovate UK.