« Nous misons sur le long terme »

L’envolée du prix des intrants et le souci d’améliorer la struc­ture du sol ont mené l’agriculteur britan­nique Dan Belcher à repenser en profon­deur toutes les facettes de son système de produc­tion.

Face à la hausse des coûts d’intrants ces dernières années, quelles solu­tions pour conserver sa produc­ti­vité ? C’est l’interrogation qui a poussé le britan­nique Dan Belcher, chef d’exploitation à la March House Farm, à explorer des pistes d’économies. Parmi elles, mesurer et gérer les besoins des cultures plus effi­ca­ce­ment, faire un meilleur usage de copro­duits comme le lisier, et implanter des prai­ries tempo­raires pour lutter contre la pres­sion des adven­tices.

« Il s’agit d’adopter une approche globale », appuie l’agriculteur. « Il y a deux ans, nous avons repris de nombreuses surfaces non-culti­vées, qui étaient enva­hies par le vulpin. En semant des prai­ries tempo­raires et en faisant paître le bétail sur les plus mauvaises terres, nous sommes parvenu à réduire la pres­sion des adven­tices de 70-80 %. Au prin­temps prochain, nous ferons le point sur la situa­tion lors du semis de hari­cots après trois ans de prairie. »

Il y a deux ans, nous avons repris de nombreuses surfaces qui étaient enva­hies par le vulpin des champs et n’étaient plus culti­vées.

Dan Belcher

Il a égale­ment expé­ri­menté le pâtu­rage de moutons sur 40 ha de blé d’hiver. « Nous avons commencé en janvier 2022. Le pâtu­rage a éliminé les feuilles malades, stimulé l’établissement des racines et produit des talles fraîches sans maladie au prin­temps. Il y a un équi­libre délicat à trouver, il ne faut pas surpâ­turer. C’est tout un art. Mais cela a réduit nos factures de fongi­cides de trois quarts et nos herbi­cides d’un quart. » Et d’ajouter : « Cela n’a pas nui au rende­ment et nous avons observé bien moins de mala­dies. »

Les ovins de l’exploitation sont mis à profit dans le cadre d’une gestion inté­grée des adven­tices.

La rota­tion comprend du blé, de l’orge, une culture inter­mé­diaire pâturée en hiver et enfin des hari­cots de prin­temps. Dan expé­ri­mente avec un mélange de quatre variétés de blé d’hiver pour ‘booster’ la santé des plantes. « Ce mélange nous permet de réduire les fongi­cides de trois quarts par rapport à une variété unique, ici aussi, sans nuire au rende­ment », note-il. « Si cette méthode continue à donner de bons résul­tats, nous l’utiliserons exclu­si­ve­ment d’ici les deux ou trois prochaines années. »

Semences fermières

En matière de fongi­cides, il préfère observer de très près la culture plutôt que d’épandre à un stade de crois­sance donné. « Cette année a été si sèche qu’aucune des cultures n’a été touchée par des mala­dies. Nous sommes atten­tifs à ce qui se passe autour de nous. »

Toujours dans un souci d’économie, Dan produit des semences de ferme : « Cette approche a permis de réduire de plus de moitié nos coûts en semences. » Pour l’implantation, il a adopté un travail minimal du sol avec un semoir à disques John Deere 750A et un semoir à dents Sprinter de Horsch. « Les écono­mies de carbu­rant ont été d’environ un tiers par rapport à une approche plus inten­sive. »

Dan Belcher surveille de très près sa consom­ma­tion d’énergie.

Ici, l’utilisation plus ciblée des engrais est la clé de voûte des mesures d’économies. « Nous effec­tuons une analyse Nmin pour déter­miner l’azote rési­duel dans le sol et élaborer un plan de fumure, doublée d’une analyse des oligo-éléments des plantes. Nous prévoyons de nombreuses analyses de tissus et de sève tout au long de la période de végé­ta­tion et nous basons les épan­dages d’engrais sur ce dont la plante a réel­le­ment besoin pour rester en bonne santé. »

Il apporte ainsi 110 kg N/ha pour le blé et l’orge, contre 180 à 200 kg/ha aupa­ra­vant. « Pour notre premier apport en mars, nous épan­dons de l’urée granule soufrée. Le deuxième, mi-avril, consiste en 40 unités d’un produit liquide soufré, le Nitroflo 24N + 7,5 % SO3 d’Omex, suivi de deux appli­ca­tions foliaires, 10 unités chacune, en ajou­tant égale­ment des oligo-éléments et de la mélasse. »

Une partie du budget en azote provient du lisier de ferme, qui est analysé pour déter­miner son contenu nutri­tionnel. Dan Belcher s’est doté d’un épan­deur Bunning de 24 m avec pesée dyna­mique, pour appli­quer une quan­tité constante (équi­va­lant à 10 kg N/ha), comme engrais de surface au prin­temps. « Grâce à notre approche de la nutri­tion des cultures, nous avons réduit nos dépenses totales en engrais de 40 %. À plus long terme, le lisier de ferme améliore la matière orga­nique du sol et renforce la ferti­lité. » Les rende­ments moyens de l’exploitation sont de 8,8 t/ha pour le blé, de 7,9 t/ha pour l’orge et de 4,4 t/ha pour les hari­cots de prin­temps.

Grâce à notre approche de la nutri­tion des cultures, nous avons réduit nos dépenses totales en engrais de 40 %.

Dan Belcher

Recherche de préci­sion

Dan Belcher accorde aussi une place impor­tante à l’agriculture de préci­sion. « Nous utili­sons des trac­teurs John Deere dotés d’un GPS et le pulvé­ri­sa­teur John Deere 732 dispose d’un contrôle de section. Nous ne prati­quons pas l’agriculture à circu­la­tion contrôlée (controled traffic farming), mais nous essayons de rouler unique­ment sur les voies de jalon­nage lorsque nous le pouvons. Nous utili­sons le système de gestion GreenStar de John Deere ainsi que John Deere Link. » Bilan : « Nous pouvons obtenir des infor­ma­tions sur la consom­ma­tion de gazole et les rende­ments et réaliser une économie d’environ 10 % grâce à cette tech­no­logie. »

En ce qui concerne les coûts de main-d’œuvre, Dan Belcher est satis­fait de son équipe. « Nous avons une excel­lente équipe dans l’exploitation, composée de personnes fiables et impli­quées. Comme nous sommes en poly­cul­ture élevage, nous n’avons pas la problé­ma­tique du manque de main-d’œuvre saison­nière. Nous pouvons déployer des personnes dans les ateliers culture ou d’élevage en fonc­tion de la période de l’année. »

Un inves­tis­se­ment de long terme : la boutique de ferme de la famille Belcher.

L’intérieur du magasin de la ferme avec boulan­gerie, boucherie et café. Le succès est au rendez-vous.

La boucherie vend la viande des bœufs et agneaux élevés sur la ferme.

Trouver une main-d’œuvre fiable et de qualité est en revanche plus délicat pour les diffé­rents projets de diver­si­fi­ca­tion de l’exploitation. Environ 30 personnes sont en effet employées pour la boutique, la boulan­gerie et la boucherie.

Cette dernière a ouvert en 2000, l’exploitation vendant du bœuf et de l’agneau sur les marchés hebdo­ma­daires londo­niens. En 2017, la famille a ouvert une boutique, ainsi qu’un café, qui hélas a dû fermer durant le Covid et n’a pas réou­vert jusqu’à présent. Toute­fois, le magasin de la ferme s’est agrandi. Dan Belcher a déve­loppé une acti­vité boulan­gère. Avec la farine et la viande de la ferme, l’équipe confec­tionne des tourtes au porc et des roulés à la saucisse, vendus dans la boutique de la ferme et dans les maga­sins des villages avoi­si­nants.

Miser sur la diver­si­fi­ca­tion

Bien que ce nouveau débouché se mantienne à 60 % du volume de vente atteint pendant le Covid, Dan Belcher explique que les récentes augmen­ta­tions de prix de l’électricité ont parti­cu­liè­re­ment affecté l’atelier boucherie. « C’est la réfri­gé­ra­tion qui consomme le plus d’électricité ! Nous envi­sa­geons d’investir dans le photo­vol­taïque pour main­tenir des factures d’électricité raison­nables. Nous avons déjà une petite instal­la­tion sur les toits des hangars, mais il faudra multi­plier par cinq la surface pour commencer à faire une diffé­rence. » Une chau­dière biomasse alimente le séchage des céréales lorsque cela est néces­saire, ainsi que la maison et la boutique de la ferme.

Les frères Belcher élèvent 180 allai­tantes de races Aber­deen Angus et Shor­thorn.

Avant d’introduire d’autres ajus­te­ments, Dan Belcher souhaite évaluer l’efficacité des récentes mesures d’économie sur l’ensemble de l’exploitation, ainsi que sur le projet de diver­si­fi­ca­tion. « Nous avons fait pas mal de chan­ge­ments au cours des trois dernières années », dit-il. « Je veux voir les résul­tats réels du nouveau système. Il y a trois ans, nous avons décidé que l’approche clas­sique ne fonc­tion­nait plus, ce qui nous a conduits là où nous sommes main­te­nant. »

Un effort de mise à niveau est néan­moins déjà prévu du côté machi­nisme. « Un trac­teur John Deere 6215 R doit être livré prochai­ne­ment. Nous chan­geons le char­geur téles­co­pique tous les deux ans car il tourne à 3 000 h/an. Et comme nous faisons plus d’épandages foliaires, lorsque nous devrons remplacer le pulvé­ri­sa­teur, nous cher­che­rons quelque chose avec un peu plus de volume. »

Au final, même si l’augmentation des factures d’engrais, de carbu­rant et d’électricité a constitué un « choc désa­gréable » pour Dan Belcher, les mesures prises devraient selon lui permettre d’en atté­nuer les effets. « Nous misons sur le long terme, en mettant en place un système qui fonc­tion­nera encore bien dans 30 ans, et pas seule­ment trois. »

L’exploitation : la March House Farm

  • Loca­lité : Great Dalby, Melton Mowbray, Leices­ter­shire
  • 120 ha en propriété
  • 840 ha de terres prises à bail, dont 460 ha en grandes cultures et le reste en herbage
  • Sols argi­leux lourds
  • Préci­pi­ta­tions : 720 mm

    Dan Belcher exploite la ferme avec son frère Tom
  • Le personnel emploie un respon­sable des cultures et un berger
  • Bétail : 2 800 moutons North Country Mules et Romneys
  • 180 vaches allai­tantes Aber­deen Angus et Shor­thorn
  • 50 truies
  • Diver­si­fi­ca­tion : magasin de ferme, boucherie et boulan­gerie

    Parc de maté­riel
  • Trac­teurs de tête John Deere 6195 R, 6150 R et Fendt720
  • Loca­tion d’un trac­teur de 300 ch pour la récolte
  • Mois­son­neuse-batteuse John Deere T 560, barre de coupe de 6,5 m
  • Culti­va­teur Rexius Twin Väderstad
  • Semoir à disques John Deere 750A
  • Semoir à dents Sprinter Horsch
  • Épan­deur d’engrais Kuhn 40.1
  • Épan­deur de fumier Bunning 150
  • Pulvé­ri­sa­teur John Deere 732 de 24 m
  • Char­geur téles­co­pique JCB 542 70