Installé dans la province de Palencia, au nord de l’Espagne, Jorge Prieto appartient à la quatrième génération d’une famille d’agriculteurs. Ici, à 800-920 mètres d’altitude, la majorité des parcelles sont encore dédiées aux cultures extensives sans irrigation telles que le blé, l’orge, le tournesol, l’avoine, le triticale, la vesce ou le colza.
Depuis le printemps 2022, la situation a complètement changé.
Jorge Prieto
C’est la saison de la récolte du tournesol. Cette année [2022, ndlr], le chantier durera un peu plus longtemps, car le conflit en Ukraine a poussé la famille à revoir à la hausse sa sole d’oléagineux. Dans plusieurs régions d’Espagne, le gouvernement a donné le feu vert pour la mise en culture des jachères pour la production de tournesol. Les Prieto espèrent ainsi développer leurs revenus, en profitant des cours avantageux sur les marchés.
Accompagnement technique
La famille s’est rapproché de Víctor Sánchez-Girón, professeur à l’université polytechnique de Madrid et expert en machinisme, pour ajuster ses pratiques et tirer le maximum du gazole. Sur fond d’augmentation spectaculaire des charges d’intrants, les ajustements effectués ont d’ores et déjà prouvé leur intérêt pour la rentabilité de l’exploitation.
Un aspect fondamental : « Les tracteurs doivent être dimensionnés en fonction des besoins de l’exploitation, et adaptés aux outils utilisés », résume Jorge. La nécessité de mieux calibrer la puissance est en effet ressortie comme une piste d’amélioration importante. « Si utiliser un gros tracteur avec un petit équipement est un investissement gaspillé, utiliser un tracteur trop léger avec un outil lourd, c’est le faire tourner à plein régime et surconsommer. »
Utiliser un tracteur trop léger avec un outil lourd, c’est le faire tourner à plein régime et surconsommer.
Jorge Prieto
Ils sont aussi, désormais, très vigilants sur la pression de gonflage, en fonction des conditions de travail. « Nous abaissons la pression à 1,5 bar pour les travaux dans les champs. Sur route, nous l’augmentons à 2,5 bar », décrit Jorge.
Travail du sol
Les Prieto pratiquent le semis direct depuis 30 ans sur une petite partie de leur SAU. Récemment, ils ont testé sur d’autres parcelles un travail du sol réduit avec un passage unique de combiné cultivateur, rouleau à barre et herse. Ce qui leur a permis de réaliser d’importantes économies en matière de GNR. La surface en travail du sol minimal ou semis direct reste moins importante que celle travaillé en profondeur, mais la rentabilité s’y est révélée supérieure l’an passé, témoigne Jorge, du fait des coûts réduits. La rotation plus longue sur ces parcelles a aussi permis de lisser la productivité des sols, en comparaison avec les champs labourés.
Autre aspect important concernant le travail du sol : labourer au bon moment afin d’économiser du carburant. Comme Jorge l’explique : « Auparavant, nous ne prêtions pas autant attention à l’état du sol et il arrivait fréquemment que le moteur tourne à 1800-1900 tr/min. En nous efforçant d’attendre le bon taux d’humidité, nous avons pu maintenir un régime de 1300-1400 tr/min, avec les économies de carburant que cela entraîne. »
Densité de semis
Du côté des semences, une des mesures adoptées, depuis quelques années déjà, a été de réduire la densité. « Avant, nous semions 250 kg par hectare en orge ou en blé. Nous avons décidé de réduire la dose à 210 kg, et nous avons constaté que c’était à notre avantage. »
Les outils modernes aident énormément, mais pour en tirer le maximum, ils doivent être parfaitement réglés.
Jorge Prieto
L’utilisation de semoirs à semis direct a contribué à la réduction des besoins en carburant. « Les outils modernes aident énormément, mais pour en tirer le maximum, ils doivent être parfaitement réglés. Quel que soit le type de semoir utilisé, il est essentiel que la machine soit bien entretenue et calibrée afin que l’ensemencement soit adapté », ajoute Jorge.
Fertilisation
Alors que l’engrais était auparavant positionné en deux fois, en pré-semis et pendant la période de végétation, l’exploitation teste désormais un apport unique de fertilisant à diffusion lente, avec un stabilisant ammoniacal pour la libération progressive de l’azote. L’épandeur centrifuge dispose de coupure de section.
Avec la guerre, le prix de l’engrais a triplé. Ils ont donc également décidé de réduire la dose. De 500 kg de NPK/ha, ils sont passés à 350 unités/ha sur les surfaces concernées. Ils utilisent également des engrais moins chers et moins riches. À la place du 12-24-16, ils utilisent désormais du 8-15-8. La météo de printemps décidera de la rentabilité de cette mesure : le céréalier s’attend à une baisse de rendement allant jusqu’à 20 % les années pluvieuses, compensée par un gain de 10-15 % les années les plus sèches.
Désormais, nous semons beaucoup plus de légumineuses.
Jorge Prieto
La sole de légumineuse a été considérablement augmentée. « Ces plantes n’ont pas besoin d’engrais », lache Jorge, rappelant qu’elles fixent 70 – 80 % de l’azote qu’elles consomment, grâce aux rhizobiums. Le gain de fertilité est un autre effet positif. Alors qu’auparavant, le blé, l’avoine, le triticale et la vesce arrivaient en tête, ils ont donc maintenant augmenté la surface en vesce et tournesol et réduit les céréales, et prévoient d’implanter du colza, qui s’adapte bien aux sols de cette région.
Protection des Cultures
« Notre problème principal, ce sont les adventices, et le prix total de notre herbicide a doublé ! » Pour faire face, il s’est résolu à « ajuster beaucoup plus la dose cette année », passant de 3 l/ha à 2,5 l dans la plupart des parcelles. Ils n’appliquent la dose maximale que ponctuellement.
Cette année, nous ajustons beaucoup plus la dose d’herbicide
Jorge Prieto
Face à l’impact attendu de ces économies sur les populations d’adventice, les Prieto s’attendent à devoir intensifier le désherbage mécanique. L’évolution de la rotation est également pensée en ce sens : la part des productions moins sujettes au salissement augmente. Par exemple le tournesol, qui chez eux n’est pas une culture sensible de ce point de vue.
Récolte
Des économies sont-elles envisageables lors de la récolte ? « L’objectif fondamental est d’utiliser plus efficacement les machines, la main-d’œuvre et le carburant », explique Víctor, le père de Jorge. Ils ont donc investi dans des moissonneuses-batteuses présentant plus de puissance et de volume de trémie, ainsi que des remorques à plus grande capacité. « Ça nous a permis de réduire les frais au kilo récolté », rapporte Víctor Prieto.
Prestations
Pour amortir les investissements matériel, l’exploitation cherche à faire travailler davantage ses machines. Il se sont déjà lancés, voilà quelques années, dans le désherbage à façon, principalement dans les plantations de peupliers, très nombreuses sur les rives des cours d’eau de la province de Palencia.
« Travailler dans les cultures ligneuses telles que les peupleraies nous permet de générer des revenus toute l’année », commente Jorge. Pour que les plantations restent exemptes de mauvaises herbes, ils passent entre les arbres avec des disques de 66 ou 76 cm.
À la question de savoir s’il y a un avenir dans l’agriculture, leur réponse est sans appel : « Bien sûr que oui. » Pour eux, « la clef, ce sera continuer à optimiser, pour travailler plus efficacement. »