« L’adaptation clima­tique sera un processus continu. »

De septembre 2016 à avril 2020, le projet euro­péen LIFE « AgriA­dapt » s’est concentré sur les mesures d’adaptation clima­tique. Patrick Tröt­schler de la Fonda­tion du Lac de Constance, parte­naire alle­mand du projet, s’exprime sur les pers­pec­tives en produc­tions végé­tales.

Le Sillon : En quoi consis­tait le projet AgriA­dapt ?

Patrick Tröt­schler : Le fait est que les exploi­ta­tions devront s’adapter au réchauf­fe­ment. Mais lorsque l’on parle de 2°, 3° de plus, cela reste abstrait du point de vue pratique. Nous avons déve­loppé un outil d’aide à la déci­sion pour que les exploi­ta­tions puissent faire des choix d’adaptation raisonnés. À cette fin, nous avons simulé sur 120 fermes-pilotes en Europe l’évolution possible de plusieurs indi­ca­teurs agro­cli­ma­tiques jusqu’en 2046, et nous avons analysé risques et oppor­tu­nités. Nous avons égale­ment élaboré et diffusé des supports de forma­tion agri­cole initiale et continue.

Le réchauf­fe­ment est là. Est-il urgent de faire évoluer les systèmes ?

La ques­tion nous a souvent été posée : que fait-on main­te­nant, doit-on repenser tout le système ? Il faut bien souli­gner que l’adaptation clima­tique sera un processus continu sur les prochaines années et même décen­nies. Il s’agit de déve­lopper une stra­tégie pour chaque exploi­ta­tion. Ensuite, il faut distin­guer météo et climat. Malgré les extrêmes des dernières campagnes, je ne parti­rais pas forcé­ment du prin­cipe qu’un tel scénario se repro­duira chaque année à l’avenir. Ce qu’on peut dire en tout cas, c’est que la météo sera de plus en plus impré­vi­sible.

Vous avez conçu des stra­té­gies d’adaptation dans les fermes-pilotes. Quels étaient les déno­mi­na­teurs communs, au chapitre de la préven­tion de la séche­resse ?

La notion la plus impor­tante est la répar­ti­tion des risques. Avec des étés de plus en plus chauds et secs, les cultures doivent se diver­si­fier. Ensuite, le sol doit pouvoir jouer son rôle « d’éponge », faire des réserves lors des phases de pluies et pouvoir les main­tenir jusqu’aux périodes sèches.

Avec des étés de plus en plus chauds et plus secs, les cultures doivent se diver­si­fier.

Jouer sur le taux de matière orga­nique et d’humus est un levier, de même que la couver­ture perma­nente du sol et le semis direct. Néan­moins il est impos­sible de géné­ra­liser des mesures permet­tant d’atteindre cet objectif, cela relève de la stra­tégie indi­vi­duelle des exploi­tants.

Qu’en est-il de l’adaptation clima­tique en cultures irri­guées ?

La pres­sion liée au partage de l’eau – entre usage agri­cole et autres -, sur fond de théma­tique écolo­gique, est de plus en plus forte. Concer­nant le prélè­ve­ment sur les nappes, il reste à trouver un consensus à l’échelle de la société, ce qui n’est pas du seul ressort des produc­teurs. Au-delà, le captage de l’eau de pluie dans des bassins partagés sera assu­ré­ment un thème stra­té­gique dans les prochaines années. Reste que les exploi­ta­tions doivent déve­lopper leur effi­ca­cité hydrique, par exemple en semant davan­tage de variétés et de cultures tolé­rantes à la séche­resse, même si celles-ci ne génèrent pas un rende­ment maximal.

Cela signifie accepter une baisse des rende­ments au profit de la rési­lience clima­tique ?

On parle souvent de rende­ment maximal annuel mais celui-ci est toujours associé à un risque élevé. Pour nous, ne pas cultiver forcé­ment la variété à rende­ment maximal sur l’ensemble de la surface de cette culture, mais semer, par exemple, une variété tolé­rante à la chaleur sur un tiers ou un quart des terres est une bonne stra­tégie d’adaptation.

On parle souvent de rende­ment maximal annuel, mais celui-ci est toujours associé à un risque élevé.

On en revient à la répar­ti­tion des risques. Plutôt que de comparer les rende­ments annuels entre collègues, il serait plus viable de se demander : qui, sur une période de dix ans, a tiré le meilleur rende­ment moyen de son champ ?

Comment les agri­cul­teurs peuvent-ils utiliser les instru­ments déve­loppés dans le cadre d’AgriAdapt ?

Un outil Web en plusieurs langues a été publié en février sur le site Internet du projet. On y trouve diffé­rents modules parmi lesquels des éléments d’aide à la déci­sion. Ils permettent aux agri­cul­teurs d’anticiper, notam­ment, l’évolution de la dispo­ni­bi­lité de l’eau dans leur secteur au cours des 30 prochaines années. Enfin, un grand nombre de mesures d’adaptation durables y sont aussi docu­men­tées. 

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