La numérisation : voilà, probablement, la plus grande révolution qu’ait connu le secteur vert depuis l’avènement de la mécanisation. Je suis convaincu que celle-ci permettra de réconcilier économie et écologie. L’agriculture a une responsabilité toute particulière, en tant que l’une des causes du changement climatique, mais aussi comme élément de solution. La production, l’industrie et la recherche doivent faire en sorte de réduire les émissions de GES. À cette fin, quatre leviers peuvent être actionnés :
- accroître l’efficacité des machines
- optimiser l’agronomie – produire plus avec moins
- optimiser l’utilisation des capacités des machines existantes (automatisation – autonomisation)
- utiliser les énergies renouvelables
Plus d’efficacité
Depuis que les machines agricoles existent, les ingénieurs travaillent à les rendre plus efficaces. De gros progrès ont été accomplis, mais il faut rester réalistes. Une réduction de la consommation de carburant de 1 à 3 % constitue une prouesse technique, étant donné les efforts importants requis pour diminuer les émissions d’échappement. Pour l’essentiel, une telle baisse repose sur la réduction des pertes de transmission, comme nous le verrons ci-dessous avec l’exemple du tracteur à chenilles 8RX.
Optimisation agronomique
Dans le bilan carbone total de l’agriculture, la consommation de carburant joue un rôle de second plan. Le potentiel est bien plus élevé du côté des pratiques déployées en grandes cultures. La production d’engrais minéraux, notamment, génère d’importantes émissions de GES. Dans le même temps, certaines régions enregistrent un excédent d’engrais organiques. Utiliser plus efficacement les ressources dans ces secteurs permettrait de réduire considérablement l’empreinte écologique.
L’objectif doit être, avant tout, de passer d’un traitement uniforme des zones à une application plus ciblée, modulée en fonction de l’hétérogénéité des sols. J’aime citer l’exemple de l’industrie 4.0, où l’industrie remplace la production de masse par la production individuelle. Dans l’agriculture, cette individualisation aura lieu à l’échelle de la plante. À l’avenir, nous tiendrons compte de chaque plante individuellement et nous la soignerons en conséquence. Ici, le plus grand défi sera de se baser sur les données, l’expérience et l’analyse pour optimiser la fertilisation, la protection des cultures et les autres étapes culturales.
Utiliser toutes les capacités des machines
Passons maintenant au troisième levier, la meilleure utilisation des capacités des machines – autrement dit, des pertes réduites au strict minimum. Des études pratiques montrent que généralement, et en particulier dans le cas des batteuses, seuls 60 à 70 % de la puissance embarquée est mise à profit. L’automatisation a néanmoins permis des progrès au cours des dernières années, avec des batteuses capables d’adapter leurs réglages et de se piloter de manière autonome.
Énergie renouvelables
Il s’agit d’un premier pas vers une plus grande autonomisation. Suivant le Niveau d’autonomie 3 (norme relative aux voitures particulières), la conduite autonome ou un meilleur fonctionnement autonome signifie que le conducteur de la machine peut se concentrer plus longtemps sur d’autres tâches que le fonctionnement de cette dernière. Le Niveau 4 sera intéressant si le manque de conducteurs qualifiés s’accentue. Les conditions préalables à ce niveau, toutefois, sont une base juridique correspondante et la disponibilité de la 5G dans les régions rurales.
Passons maintenant au point final, mais décisif, concernant la réduction des gaz à effet de serre dans l’agriculture : nous y parviendrons grâce à l’utilisation de nouvelles formes d’énergie. Tout d’abord, l’électrification.
Contrairement au secteur des voitures particulières, les tracteurs de moyenne gamme et haut de gamme dotés d’un moteur tout électrique à batterie ne seront pas disponibles dans les années à venir. L’aptitude à la production de série dépend de la capacité des batteries. À ce jour, un tracteur de 250 cv devrait être équipé d’une batterie de 10 t pour fournir suffisamment de puissance pour les tâches lourdes sur une journée entière – avec environ 8 heures à pleine charge sans recharger. Cependant, la pression exercée à l’égard de l’électrification dans l’automobile est susceptible d’accélérer l’innovation. Par ailleurs, l’agriculture pourrait devenir autosuffisante si l’électricité de ses propres unités de méthanisation, de ses éoliennes ou de ses installations photovoltaïques était utilisée pour alimenter les machines agricoles.
Les progrès technologiques du machinisme agricole permettront de combiner protection de l’environnement et efficacité économique.
Prof. Peter Pickel
Au-delà des groupes motopropulseurs tout électriques, l’utilisation de carburants alternatifs serait un levier à plus court terme pour la réduction des émissions. Avec des moteurs « polycarburants », les tracteurs peuvent fonctionner non seulement au diesel, mais également au biodiesel, à l’huile de colza ou autre huile végétale non estérifiée. Ce qui permet de réduire de manière importante les émissions de CO2 et de s’affranchir des combustibles fossiles – un avantage tant pour l’environnement que pour la trésorerie de l’exploitation. Néanmoins, cela suppose aussi une volonté politique et des mesures d’incitation destinées aux exploitants.
Pour résumer, les progrès de la technologie agricole permettent de concilier protection environnementale et rentabilité. L’agriculture peut assumer la responsabilité d’une production durable et respectueuse de l’environnement, et ainsi regagner la confiance de la société. Cela fait de la protection environnementale un facteur concurrentiel. Conséquence : l’optimisation de l’agriculture grâce aux technologies numériques haute performance se poursuit, et la pression exercée sur les exploitants crée les conditions d’un environnement de croissance dynamique pour l’avenir.