Quelles sont les caractéristiques d’un sol tassé ? Existe-t-il une définition générale ?
Les sols sont considérés comme tassés lorsqu’ils ne peuvent plus assurer les échanges d’eau et d’air, l’enracinement des plantes ainsi que le renouvellement des nappes phréatiques. En bref : lorsque leurs cavités ne suffisent plus pour garantir toutes les fonctions du sol en tant que réservoir de nutriments et d’eau, et comme milieu de production végétale. Il n’existe cependant aucune caractérisation du sol pouvant s’appliquer de façon générale. Certains sont beaucoup plus sensibles au tassement que d’autres, par exemple les sols argileux, par rapport aux sols sablonneux. En outre, un type de sol comporte plusieurs horizons avec différentes sensibilités au tassement.
Quels sont les effets du tassement sur les productions végétales ?
Les sols constituent toujours un système triphasique : la phase gazeuse, la phase liquide et la phase solide. Il s’agit, plus exactement, d’un ensemble comprenant des pores remplis d’air, des pores remplis d’eau et des constituants solides. Lors de la compaction, le système poreux est toujours le premier à subir des modifications. Ainsi, dans la mesure où les pores sont compressés, la perméabilité aux gaz diminue, de même que la conductivité hydraulique. Par ailleurs, on observe une chute de la capacité d’emmagasinement de l’eau disponible pour les plantes.
Si la conductivité hydraulique tombe en dessous d’une certaine valeur, l’aération diminue également car les pores, plus fins, emmagasinent une plus grande quantité d’eau pour une durée plus longue. Quand la capacité d’air est inférieure à 8-10 %, on peut parler d’un tassement important du sol. Si la capacité d’infiltration tombe sous 10 cm par jour, le sol ne peut plus remplir sa fonction de nutrition des plantes.
Si le sol subit un tassement trop fort, les racines peuvent seulement se développer en surface, et il devient difficile pour les plantes d’atteindre l’eau située dans les couches plus profondes.
Pour résumer d’un point de vue physique : si le sol subit un tassement trop fort, les racines peuvent seulement se développer en surface, et il devient difficile pour les plantes d’atteindre l’eau située dans les couches plus profondes.
Pour résumer d’un point de vue chimique : plus le sol est compact, plus il est difficile pour les éléments nutritifs apportés par l’agriculteur de s’y infiltrer, pour pouvoir y être fixés puis absorbés par les racines. Par ailleurs, le risque augmente de voir les nutriments lessivés plus rapidement par l’eau s’écoulant latéralement dans le sol tassé, même sur un terrain à très faible inclinaison, pour finalement aller « fertiliser » les rivières.
Comment l’agriculteur reconnaît-il que son sol est tassé ?
Il existe plusieurs méthodes. Dans un premier temps, il faut observer la surface. Dans le cas d’un sol tassé, celle-ci est souvent boueuse et compacte, caractérisée par une absence de fissures ou par des fissures éloignées les unes des autres et perpendiculaires entre elles. Ensuite, il faut se pencher sur la fissuration de la surface : si celle-ci affiche une structure en nid d’abeilles, c’est un signe de tassement. Les sols tassés présentent souvent des plaques horizontales situées à la profondeur de labour, environ 30 cm. L’effet de cette semelle de labour se fait sentir jusqu’à une profondeur de plusieurs décimètres dans le sol profond.
Par ailleurs, l’agriculteur doit observer la coloration du sol dans les horizons supérieurs : quand la teneur en oxygène du sol est insuffisante, le fer présent subit une réaction de réduction et est mobilisé, ce qui se traduit par une coloration bleuâtre ou noirâtre. Enfin, la forme des racines fournit des indications : dans les sols tassés, les racines plus profondes et uniformes sont absentes ou fortement limitées.
Que doit faire l’agriculteur afin de minimiser la sollicitation et le tassement de son sol ?
En règle générale, les sols secs peuvent être sollicités plus fortement que les sols humides. Il faut donc prendre en compte des différences de pratiques culturales qui s’imposent en fonction de la pluviosité. Plus le sol est humide, plus il est sensible. Plus il est sec, plus il est stable.
En ce qui concerne la sollicitation que représente la pression exercée par les machines agricoles en déplacement, il faut veiller à ce que le poids de la machine et la pression transmise via la surface de contact des pneus restent inférieurs à la résistance intrinsèque du sol. À l’inverse, si la sollicitation exercée sur le sol est trop élevée et si elle agit de façon répétée ou durable, il se produit une compression plus ou moins forte selon la résistance intrinsèque des différents horizons du sol. Ce tassement est, par ailleurs, accentué par la déformation de cisaillement. En règle générale, à pression identique mais avec une surface de contact plus élevée, le sol est tassé plus profondément que dans le cas de machines plus légères, mais avec une pression identique en zone de contact.
Ces effets sont particulièrement marqués lors d’un labour annuel à 30 cm de profondeur.
Tandis que l’ensemble de la structure du sol est ameublie dans les 30 premiers centimètres, il se produit une compression de l’horizon situé sous la semelle de labour. Par ailleurs, le patinage a un effet de cisaillement qui se traduit par une compression, entraînant la destruction des pores conducteurs. Ainsi, l’agriculture conventionnelle tend à générer un sol plus en plus superficiel avec le temps. Les horizons supérieurs présentent certes un bon enracinement mais les plantes disposent seulement de cette zone pour leur nutrition.
L’agriculture conventionnelle tend à générer un sol plus en plus superficiel avec le temps. Les horizons supérieurs présentent certes un bon enracinement mais les plantes disposent seulement de cette zone pour leur nutrition.
Cet effet et les conséquences qui en résultent pour l’enracinement et le transport de l’eau, de l’air et de la chaleur peuvent ainsi être considérés comme un indicateur des fonctions du sol sur les terres arables. Il faut prévoir une période d’au moins 5 à 7 ans jusqu’à ce qu’un nouveau système poreux apparaisse, après plusieurs phases de dessèchement et de gonflement dû aux eaux pluviales. Les plantes ont alors la possibilité de s’enraciner plus facilement et profondément.
Cependant, cela nécessite également de mettre un terme à la sollicitation mécanique croissante due à l’utilisation de machines agricoles avec un poids et une pression de surface de contact plus élevés. À long terme, il en résulte un sol présentant à la fois une meilleure aptitude à l’enracinement, une plus grande stabilité et une plus faible compaction. Ces ajustements permettent à l’agriculteur de gagner du temps et de faire des économies d’énergie (carburant, etc.) à long terme, tout en réduisant la charge de travail. La biologie est notre meilleure alliée.
Que peut-on faire pour rattraper un sol tassé ?
Dans un premier temps, il convient de garder en tête la règle générale selon laquelle une réserve adéquate de nutriments assure un meilleur enracinement, favorisant le dessèchement, synonyme de fissuration. Le chaulage permet également de renforcer la fissuration dans les zones tassées ou de stabiliser les couches de sol déjà ameublies. De cette manière, le stockage des éléments nutritifs et de l’eau, l’infiltration hydrique et les échanges de gaz avec l’atmosphère reprennent, et se font plus stables à long terme.
Au-delà, l’agriculteur gagne à allonger ses rotations, avec des cultures dérobées à enracinement profond telles que la luzerne. Cette mesure déssèche fortement le sol et la fissuration plus importante (à une profondeur de plus d’un mètre) entraîne un accroissement de la stabilité et de l’accessibilité des réserves nutritives et hydriques, tout en augmentant la résistance du sol. Il convient de choisir les actions les plus efficaces en fonction du type de sol, de l’espace naturel et du degré de tassement.
Combien de temps jusqu’à ce que ces actions portent leurs fruits ?
Lorsqu’un sol est tassé, les processus en jeu ont hélas des effets négatifs à long terme. Certaines données prouvent clairement qu’aucune amélioration n’est sensible durant les 10-15 premières années. Il faut une très longue période pour retrouver la structure d’un sol. Les vers de terre peuvent aider, mais à raison d’environ 200 à 300 par mètre carré.
Quelles sont les possibilités techniques dont dispose l’industrie du machinisme agricole afin de lutter contre le tassement des sols ?
Dans un premier temps, il existe la possibilité de réduire la pression de gonflage des pneumatiques, dont il est question depuis des années. Cependant, selon moi, cela ne nous aide que de façon marginale. En effet, les pneus à pression de gonflage réduite ne deviennent pas plus plats et plus larges de façon uniforme mais répartissent la masse de la machine, et donc la pression, de façon inégale sur le sol. Cela signifie que la surface de contact n’est pas constante. Au lieu de cela, des valeurs maximales apparaissent lorsque le pneu se dilate latéralement. Des différences de pression pouvant aller jusqu’à 300 % peuvent être observées.

Rainer Horn (à g.) au laboratoire de l’université Christian-Albrecht de Kiel.
Deuxième possibilité : utiliser des pneus de plus grande taille. Mais il faut tenir compte du fait que, avec une masse de machine plus importante, plus le pneu est large, plus la profondeur à laquelle la pression se propage est élevée. Si l’on souhaite mieux préserver le sous-sol, il faudra utiliser des machines plus petites et automotrices, éventuellement des robots.
Troisième possibilité : utiliser des trains de roulement à chenilles. Si nous observons la propagation de la pression sous une chenille, nous constatons que la pression maximale est toujours située à l’avant et à l’arrière au niveau de la roue de renvoi. La pression est nettement plus faible dans la partie centrale. Il existe ainsi deux valeurs maximales à l’avant et à l’arrière, dont l’effet sur le sol n’est pas uniforme sur toute la surface de roulement. Et il y a également le patinage, dont l’effet sur la structure est souvent négligé, mais qui joue un rôle négatif important par son effet destructeur sur les fonctions pédologiques. Le patinage entraîne des forces de cisaillement qui s’exercent en diagonale dans les couches du sol. Cette déformation de cisaillement se produit en partie jusque sous la semelle de labour et entraîne la destruction de la structure poreuse naturelle du sol.
À mon sens, l’industrie doit prendre ses distances avec les machines de grande taille, qui sont également coûteuses, et privilégier les équipements plus petits et plus efficaces, adaptés aux caractéristiques des sols. Compte tenu des déformations irréversibles qui touchent déjà ces derniers, il est devenu beaucoup plus difficile de leur rendre leur productivité, et de faire en sorte qu’ils assurent leur rôle de zone tampon pour la propreté des nappes phréatiques et de l’eau potable. Mais nous pouvons au moins éviter que la situation ne se détériore davantage.
Comment jugez-vous la réaction des responsables politiques, mais aussi des exploitants agricoles, à la problématique du tassement des sols ?
Aucun agriculteur ne détruit délibérément son sol car ce dernier constitue la base indispensable pour la production alimentaire des générations futures. Et nous pouvons actuellement observer au moins un accroissement de la sensibilisation des différents acteurs. C’est un point positif !
Aucun agriculteur ne détruit délibérément son sol car ce dernier constitue la base indispensable pour la production alimentaire des générations futures.
Il s’agit désormais d’aider les personnes concernées à penser autrement. Au lieu de se dire simplement : je suis conscient du problème, il faut amener les gens à se demander : que puis-je faire, et que dois-je changer ? En Allemagne, des discussions sont en cours avec l’Office fédéral de l’environnement (Umweltbundesamt) en vue d’introduire un système de classement des sols, notamment selon leurs propriétés physiques telles que la conductivité hydraulique, le régime aérien, la disponibilité de l’oxygène, etc. La classification des sols selon le niveau de risque peut rendre le problème plus tangible pour les agriculteurs. Enfin, les constructeurs doivent leur donner la possibilité d’acheter des matériels adaptés à leur sol.
Pour finir, que pensez-vous du « Controlled Traffic Farming » ?
Ce système fonctionne s’il est utilisé chaque année du 1er janvier au 31 décembre, avec une circulation inchangée, par toutes les machines et tous les équipements. Je sacrifie une surface portante sur laquelle rien ne va pousser, mais le reste du sol est suffisamment meuble pour que les cultures se développent correctement. Cela fonctionne sans aucun doute uniquement si les largeurs du parc de machines sont uniformisées, ce qui n’est pas encore possible aujourd’hui pour une campagne entière. Voilà donc un défi pour l’industrie du machinisme agricole : construisez des machines qui soient adaptées les unes aux autres du point de vue de la largeur de travail !